Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de franche gaieté en retour de quelques minutes de frayeur.

— Dites plutôt de remerciements, répliqua le moine, car l’aspect des cieux devient solennel et terrible. Toi qui es marin, ajouta-t-il en se tournant vers Maso, n’as-tu aucun conseil à nous donner ?

— Nous n’avons pas autre chose que nos rames, mon père mais, après en avoir négligé l’usage si longtemps, il est maintenant trop tard pour y avoir recours. Nous ne pourrions atteindre Vevey par de semblables moyens, avec cette barque chargée jusqu’aux bords, avant le changement qui se prépare ; et, une fois l’eau en mouvement, elles ne pourront pas nous servir du tout.

— Mais nous avons nos voiles, dit le seigneur génois, et elles pourront du moins nous servir, lorsque le vent sera levé.

Maso secoua la tête, mais il ne fit aucune réponse. Après un court silence pendant lequel il semblait étudier les cieux plus attentivement, il se rendit vers la partie de la barque où le patron dormait encore, et l’éveilla rudement. — Oh ! eh ! Baptiste, s’écria-t-il, debout ; on a ici besoin de tes conseils et de tes ordres.

Le patron endormi se frotta les yeux, et reprit lentement l’usage de ses facultés.

— Il n’y a pas un souffle de vent, dit-il ; Maso, pourquoi m’éveilles-tu ? Un homme de ton état doit savoir que le sommeil est doux pour ceux qui travaillent.

— C’est l’avantage qu’ils ont sur les paresseux. Regarde le ciel, brave homme, et dis-nous ce que tu en penses. Ton Winkelried est-il assez solide pour nous sauver d’une tempête comme celle qui se prépare ?

— Tu parles, comme une poule effrayée par les cris de ses poussins ; le lac n’a jamais été plus calme et la barque plus en sûreté.

— Ne vois-tu pas cette lueur brillante au-dessus de l’église de Vevey ?

— C’est une belle étoile, signe de salut pour le marinier.

— Sot que tu es, c’est une flamme dans le phare de Roger de Blonay. On commence à s’apercevoir sur terre que nous sommes en danger, et ils nous montrent leurs signaux pour nous avertir de nous presser ; ils s’imaginent sans doute que nous nous conduisons comme des hommes actifs et habitués à l’eau, tandis que nous sommes aussi tranquilles que si la barque était un roc qui