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et parvient à maîtriser ses passions en découvrant ses défauts.

— Êtes-vous un disciple de Calvin ? demanda subitement le moine augustin, surpris de trouver des opinions si saines dans la bouche d’un dissident de la véritable église.

— Mon père, je ne suis un sectateur ni de Rome, ni de la religion de Genève ; je suis un humble serviteur de Dieu, et j’espère dans la sainte médiation de son fils.

— Comment ! où trouvez-vous de semblables sentiments hors du giron de l’Église ?

— Dans mon propre cœur : c’est mon temple, digne Augustin, et je n’y entre jamais sans adorer le Dieu qui l’a formé. Un nuage était sur la maison de mon père à ma naissance, et il ne m’a pas été permis de me mêler beaucoup parmi les hommes. Mais la solitude de ma vie m’a conduit à étudier ma propre nature, et j’espère qu’elle n’a pas perdu à cet examen. Je sais que je suis un indigne pécheur, et j’espère que les autres sont autant au-dessus de moi que leur opinion les porte à le croire.

Les paroles de Müller, qui ne perdirent aucunement de leur poids par ses manières calmes et peu affectées, excitèrent la curiosité. D’abord la plupart de ses auditeurs furent disposés à le croire un de ces esprits exagérés qui mettent leur orgueil dans une prétendue humilité ; mais l’expression naturelle, calme et pensive de toute sa personne produisit bientôt une impression plus favorable. Il y avait dans ses yeux une habitude de réflexion et de méditation intérieure qui révélait le caractère d’un homme habitué depuis longtemps à se juger plus sévèrement qu’il ne jugeait les autres. Ce sentiment parlait en sa faveur.

— Nous ne pouvons pas tous avoir de nous-mêmes les opinions flatteuses que vos paroles pourraient faire supposer, Herr Müller, répondit l’Italien, dont la voix changeait son ton de gaieté ordinaire, pour adoucir l’amertume de celui auquel il s’adressait, tandis que ses traits vénérables se couvraient insensiblement d’un nuage. Tous ceux qui semblent heureux ne le sont pas ; Si c’est une consolation pour vous de savoir que d’autres sont probablement aussi malheureux que vous, j’ajouterai que, pour ma part, j’ai connu la peine, et même, au milieu de circonstances qui paraissent fortunées, et que, je le crains bien, les hommes sont disposés à envier.

— Je serais bien vil à mes yeux, Signore, de chercher des consolations dans une semblable source ! Je ne puis me plaindre,