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de leur vol élevé, réfléchissait une douce et dernière lumière. Un cône d’une éblouissante blancheur dominait toutes ces masses. Il ressemblait à une marche de marbre jetée entre la terre et le ciel la chaleur d’un soleil brûlant tombait sur ses flancs sans en altérer la blancheur ; il paraissait la repousser loin de lui comme le chaste sein d’une vierge repousse les sentiments qui pourraient altérer sa pureté. À travers ces sommets de rocs qui se confondaient avec les nuages, et qui formaient les objets les plus éloignés de la vue, passait la ligne imaginaire qui sépare l’Italie des régions du nord. Plus près, et se portant sur le rivage opposé, la vue embrassait ces rochers, semblables à des remparts qui s’avancent au-dessus de Villeneuve et de Chillon, masse de neige qui semble être en partie sur la terre, et en partie sur les eaux. Sur de vastes débris de montagnes, étaient groupés les hameaux de Clarens, Montreux, Châtelard, et tous les autres, lieux que le talent de Rousseau a rendus célèbres. Au-dessus du dernier village, les rocs sauvages disparaissent, cédant la place aux vignes qui s’étendent au loin à l’ouest.

Cette scène, dans tous les temps belle et majestueuse, était vue alors sous les auspices les plus favorables. Les rayons du jour avaient abandonné tout ce qu’on peut appeler le bas monde, laissant à leurs places les douces lueurs, les ombres charmantes du crépuscule. Il est vrai qu’une centaine de chalets qui couvraient les Alpes, ou ces pâturages qui s’élèvent à quelques milliers de pieds au-dessus du lac de Genève, et qui ont pour fondement les rocs qui s’élèvent comme une muraille derrière Montreux, brillaient encore de toute la clarté du jour, mais plus bas tout se couvrait des sombres couleurs du soir.

Tandis que la transition du jour à la nuit prenait un caractère plus décidé, les hameaux de Savoie devenaient plus gris, les ombres s’épaississaient autour des bases des montagnes, de manière à rendre leurs formes indistinctes et gigantesques, et la plus grande beauté de la scène se transportait à leurs sommets. Vues à la lueur du soleil, ces nobles montagnes paraissaient des masses de granit amoncelées sur des collines parsemées de châtaigniers, et soutenues par des espèces d’arcs-boutants peut-être nécessaires pour donner de l’ombre et de la variété à ces hauteurs.

Leurs contours étaient tracés avec une pureté que le pinceau de Raphaël eût admirée, sombres et cependant distincts, et en apparence ciselés par l’art.