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rance à leurs lèvres, lorsqu’ils allaient céder au désir de croire Sigismond le fils d’un prince de Gênes.

— Tu es d’un sexe trop faible et trop tendre pour ne pas augmenter la liste de ces esprits confiants qui se laissent abuser par la fausseté des hommes, répondit le marin avec ironie. Va, va, jeune fille, fais-toi religieuse ; ton Sigismond est un imposteur.

Adelheid, par un mouvement prompt comme la pensée, retint l’impétuosité du jeune soldat, qui aurait renversé son audacieux rival à ses pieds. Toujours à genoux, elle parla avec la modestie, mais en même temps avec la fermeté qu’un sentiment généreux peut donner aux femmes lorsque les circonstances extraordinaires exigent le sacrifice de cette réserve derrière laquelle se retranche habituellement leur faiblesse.

— Je ne sais pas de quelle manière vous avez connu le lien qui m’attache à Sigismond, dit-elle ; mais je ne prétends pas le cacher plus longtemps. Qu’il soit le fils de Balthazar ou celui d’un prince, il a reçu ma foi avec l’approbation de mon père, et nos destinées vont bientôt être unies. Il y a peut-être de la hardiesse dans une jeune fille à avouer sa préférence en public ; mais opprimé par de longs malheurs, incertain de sa naissance, il a des droits au moins à toute mon affection. N’importe quel soit son père, je parle ici avec l’autorisation du mien ; dès ce moment il appartient à notre famille.

— Melchior, est-ce vrai ? s’écria le doge.

— Les paroles de ma fille sont l’écho de mon cœur, répondit le baron regardant fièrement autour de lui, comme s’il voulait défier ceux qui auraient pu penser que ce mariage était une mésalliance.

— Je n’ai pas perdu de vue l’expression, de ta physionomie, Maso, reprit Adelheid, car je suis intéressée à connaître la vérité ; et maintenant je te demande, au nom de ce que tu connais de plus sacré, de nous parler avec franchise. Tu peux avoir été sincère sur quelques points ; mais l’amour clairvoyant d’une femme m’a révélé que tu avais fait quelque réticence. Parle donc, et soulage l’esprit de ce vénérable prince de la torture que tu lui fais subir.

— Et que je condamne mon propre corps à la roue, n’est-ce pas ! Cela peut paraître tout naturel à l’imagination d’une fille amoureuse ; mais nous autres contrebandiers, nous connaissons trop bien les hommes pour abandonner ainsi un avantage.

— Tu peux avoir confiance en nous, Maso. Je t’ai beaucoup