Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandement à affaiblir l’opinion qui s’était élevée en faveur de son adversaire.

— Et ce noble jeune homme, demanda le doge avec effroi ; lui dont l’esprit est si généreux, si élevé, lui que j’avais déjà pressé sur mon cœur avec la joie d’un père, qui est-il ?

— Signore, je ne veux rien dire contre le jeune Sigismond ; c’est un excellent nageur, et un homme utile dans les cas de danger ; mais il est juste de prendre ses propres intérêts avant ceux d’un autre. Il serait beaucoup plus agréable de demeurer dans le palais Grimaldi, sur notre golfe brillant et chaud, honoré comme l’héritier d’une noble maison que de couper des têtes à Berne ; et je conçois que l’honnête Balthazar suive son premier plan et cherche de l’avancement pour son fils !

Tous les yeux se tournèrent vers le bourreau, qui resta impassible comme un homme qui n’a rien à se reprocher.

— Je n’ai pas dit que je connaissais le père de Sigismond, répondit-il toujours avec le même calme qui avait gagné la confiance de ses auditeurs. J’ai seulement dit qu’il ne m’appartenait pas. Un père ne pourrait pas désirer un meilleur fils et le ciel sait que je cède mes droits avec une douleur qu’il me serait difficile de supporter, si je n’espérais pour lui, en effet, une meilleure fortune. La ressemblance de Maso, ressemblance qui manque à Sigismond, prouve peu de chose, nobles gentilshommes et révérends moines, car tous ceux qui ont un peu d’expérience savent que ces ressemblances se trouvent souvent entre les branches éloignées de la même famille comme entre celles qui sont plus rapprochées. Sigismond n’est point notre fils et l’on ne peut voir dans ses traits aucune affinité avec ceux de ma famille ou avec celle de Marguerite.

Balthazar s’arrêta, afin qu’on pût examiner ce fait, et réellement l’imagination la plus ingénieuse n’aurait pu découvrir la moindre ressemblance entre le jeune soldat et ceux qu’il avait si longtemps crus ses parents.

— Que le doge de Gênes interroge ses souvenirs, dit Balthazar, ne peut-il trouver quelques rapports entre ce jeune homme et ceux qu’il a autrefois connus et aimés ?

Le prince tourna ses regards avec anxiété sur Sigismond, et un rayon de joie éclaira son visage ; il étudia les traits du jeune soldat pendant un moment, et s’écria :

— Par saint François, Melchior ! l’honnête Balthazar a raison.