— Suis-je donc un autre ? — Ne suis-je plus ton Gaëtano, cet ami, que tu as tant chéri ?
— Vous, Gaëtano ! s’écria le baron, en reculant d’un pas au lieu de s’avancer pour recevoir les tendres embrassements du Génois qui avait conservé toute l’impétuosité de la jeunesse ; vous, le brave, l’actif, le beau Grimaldi ! Signore, vous vous jouez de l’émotion d’un vieillard.
— Ce n’est pas moi qui te trompe, j’en atteste nos saints mystères ! Ah ! Marcelli, comme autrefois, il est difficile à persuader ; mais dès qu’il est convaincu, le serment d’un prêtre n’est pas plus sûr que sa parole. — Si quelques rides suffisent pour nous faire douter l’un de l’autre, tu pourrais aussi trouver des objections contre ta propre identité. Je suis Gaëtano, le Gaëtano de tes jeunes ans, — l’ami que tu n’as pas vu depuis si longtemps !
Le baron hésitait encore ; peu à peu, chaque trait lui rappela un souvenir, et la voix surtout dissipa tous ses doutes ; mais comme les caractères froids sont ceux qui exercent le moins d’empire sur eux-mêmes lorsqu’une fois ils sont émus, l’agitation du baron parut la plus vive quand sa propre conviction vint enfin confirmer les paroles de son ami ; il se précipita au cou du Génois, posa sa tête sur sa poitrine, et l’inonda de larmes qui s’échappaient avec violence d’une source que, depuis longtemps, il croyait tarie.
CHAPITRE III.
e prudent Baptiste avait suivi patiemment, avec une profonde
satisfaction, les différents progrès de la scène que nous venons
de décrire ; dès qu’il vit les étrangers assurés de la puissante protection
de Melchior de Willading, il se disposa à en tirer parti,
pour son propre compte, sans plus de délai. Les deux amis se
serraient les mains, après un embrassement plus tendre encore