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ancienne origine ; il fut fondé en 962, par Bernard de Menthon, religieux augustin d’Aoste, en Piémont, dans le double dessein de donner aux voyageurs des secours corporels et des consolations spirituelles. La pensée d’établir une communauté religieuse au milieu de rochers sauvages, et sur le plus haut point qui fut jamais foulé par le pied de l’homme, était digne d’un chrétien et d’une bienveillante philanthropie. Le succès de cette entreprise fut en rapport avec ses nobles intentions ; car des siècles se sont écoulés, la civilisation a produit mille changements, des empires se sont formés et ont disparu, des trônes ont été détruits, la moitié du monde a été retirée de la barbarie, et ce saint édifice existe toujours sous sa pieuse utilité ; il est encore aujourd’hui le refuge du voyageur et l’abri du pauvre.

Les bâtiments du couvent sont vastes, et comme on fut obligé de transporter à dos de mulet tous les matériaux qui servirent à sa construction, on se servit principalement de la pierre ferrugineuse qui forme le principe du roc sur lequel il s’élève. Des cellules, de longs corridors, des réfectoires pour différentes classes de voyageurs, ainsi que ceux des religieux et de leurs serviteurs, des appartements commodes et de différents degrés de magnificence, une chapelle assez remarquable et d’une grandeur suffisante, composaient alors comme aujourd’hui l’intérieur du couvent. On ne voit pas de luxe ; mais quelques commodités pour ceux qui sont habitués aux biens de la vie, et beaucoup de cette hospitalité frugale qui prévient tous les besoins de l’existence. Tout se termine là, et le bâtiment lui-même, et l’entretien de la confrérie, sont marqués au coin d’une sévère abnégation monacale, qui semble participer du caractère de la mélancolie du paysage dans une région de neige et de stérilité.

Nous ne nous arrêterons pas sur toutes les politesses qui s’échangèrent dans cette occasion entre le bailli de Vevey et le prieur du couvent. Peterchen était connu des religieux, et quoiqu’il fut protestant et toujours disposé à plaisanter Rome et ses ouailles, on avait assez d’estime pour sa personne. Dans toutes les quêtes du couvent, le Bernois avait montré une belle âme et une grande humanité, même en servant la cause de son mortel ennemi, le pape. Le quêteur était toujours bien reçu, non seulement dans son bailliage, mais dans son château, et en dépit de quelques petites escarmouches en fait de doctrine et de théologie, ils se rencontraient toujours avec plaisir et se quittaient en paix.