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qui avaient eu lieu depuis quelques jours faisaient naître dans son esprit. La neige qui était tombée pendant la dernière tempête avait entièrement disparu, et n’était visible que sur les plus hauts pics des Alpes. Le crépuscule s’étendait déjà dans les vallées, mais les régions supérieures étaient encore éclairées par les derniers rayons du soleil. L’air était froid, car à cette heure et dans cette saison, quel que soit le temps, le soir amène toujours un froid intense dans les gorges du Saint-Bernard, où il gèle toutes les nuits, même dans le cœur de l’été. Cependant le vent, quoique fort, était doux et embaumé ; il soufflait à travers les plaines chaudes de la Lombardie, et atteignait les montagnes encore imprégné des vapeurs de l’Adriatique et de la Méditerranée. Comme le jeune homme se retournait et faisait face à la brise, une pensée d’espérance et de patrie ranima son cœur. La plus grande partie de son existence s’était passée dans le pays chaud d’où venait cette brise, et il y avait des moments où ses peines présentes étaient effacées par les souvenirs que le vent lui apportait. Mais lorsqu’il se retournait vers le nord et que ses yeux tombaient sur les rocs sauvages de son pays natal, les glaciers et les sombres ravins lui semblèrent être l’image de sa vie orageuse et inutile, et lui prédirent une carrière qui, sans être dépourvue de grandeur, n’aurait rien de doux ni de consolant.

Tout était paisible dans l’intérieur du couvent comme à l’extérieur. La montagne avait un air imposant de profonde solitude, au milieu d’une nature aussi magnifique que sauvage. Peu de voyageurs avaient traversé le défilé depuis l’orage, et, heureusement pour ceux qui désiraient le mystère, ils avaient suivi sans s’arrêter leurs différentes routes. Aucun n’était resté dans le couvent, à l’exception de ceux qui avaient intérêt dans l’interrogatoire qui allait avoir lieu. Un juge de Sion, portant le costume du Valais, parut à une croisée, ce qui était un signe que les autorités régulières du pays avaient pris connaissance de la cause ; puis il disparut, et le jeune homme se retrouva dans sa solitude. Les chiens eux-mêmes étaient enfermés, et les pieux moines étaient occupés aux office du soir.

Sigismond tourna les yeux vers l’appartement habité par Adelheid et sa sœur ; mais, dès que le moment solennel de l’interrogatoire s’était approché, elles s’étaient retirées dans leur intérieur, cessant toute communication au dehors, afin de n’être pas distraites dans les saintes et pures prières qu’elles adressaient