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son voyage à travers le passage, et qu’il lui donnerait aussi sa dernière bénédiction à Aoste. Mademoiselle de Willading vous voyagez avec faste, entourée de protecteurs qui s’honorent de vous rendre service, mais ceux qui sont méprisés et bannis, doivent ne laisser agir leurs affections même aux plus sacrées, qu’avec mystère et dans l’obscurité ! L’amour et la tendresse paternelle de Balthazar passeraient pour des moqueries parmi le vulgaire ! Tel est l’homme dans ses habitudes et dans ses opinions, lorsque l’injustice usurpe la place du droit.

Adelheid vit que le moment n’était pas favorable pour offrir ses consolations et elle ne répondit rien. Elle se réjouit cependant d’apprendre le but du voyage de Balthazar, quoiqu’elle ne pût entièrement chasser de sa pensée que la faiblesse de la nature humaine, qui change subitement nos meilleures qualités en défauts, avait pu permettre que Balthazar, souffrant de sa séparation d’avec sa fille et ayant rencontré tout à coup l’homme qui causait ses peines, eût écouté quelque violente impulsion de ressentiment et de vengeance. Elle voyait aussi que Sigismond, en dépit de sa confiance dans les principes de son père en avait le pénible pressentiment, et qu’il soupçonnait malgré lui ce qu’il y avait de plus affreux, tout en professant la plus grande confiance dans l’innocence de l’accusé. L’entrevue fut promptement terminée, et ils se séparèrent, essayant l’un et l’autre d’inventer des raisons plausibles pour ce qui était arrivé.

Bientôt après, les voyageurs qui étaient restés près du refuge parurent. Ils racontèrent avec plus de détail ce qui s’était passé. Une consultation eut lieu entre les chefs de la confrérie et les deux seigneurs, et l’on discuta avec calme et prudence sur ce qui devait être fait.

Le résultat de cette conférence ne fut connu que quelques heures plus tard ; on proclama dans le couvent qu’une enquête légale sur les faits aurait lieu dans le plus bref délai possible.

— Le sommet du Saint-Bernard est situé, comme nous l’avons déjà dit, dans le canton de Vaud, tel qu’il existe maintenant ; mais alors il faisait partie du Valais ; le crime avait donc été commis dans la juridiction de ce pays ; mais comme le Valais était alors un État allié de la Suisse, il existait entre les deux gouvernements une intimité qui ne permettait pas qu’aucune poursuite eût lieu contre un citoyen de l’une ou de l’autre contrée, sans une grande déférence envers le pays de l’accusé. On dépêcha des