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était jeune, et Sigismond lui rendit son salut avec la même expression de franchise. Ils causèrent amicalement ensemble, et se promenèrent sur le bord du lac, dans le sentier qui traversait le sommet de la montagne.

— Vous exercez bien jeune la charité, mon frère, dit Sigismond avec la familiarité qui venait de s’établir. Ce doit être un des premiers hivers que vous passez dans cet asile hospitalier.

— Ce sera le huitième, tant comme novice que comme religieux. Il faut s’habituer de bonne heure à notre manière de vivre, quoique bien peu d’entre nous puissent supporter l’intensité du froid et l’effet qu’il produit sur les poumons, pendant plusieurs hivers de suite. Nous allons de temps en temps à Martigny, pour respirer un air plus favorable à l’homme. Vous avez eu une terrible tempête la nuit dernière ?

— Si terrible que nous devons de grands remerciements à Dieu d’être encore à même de recevoir votre hospitalité. Savez-vous s’il y avait beaucoup d’autres voyageurs sur la montagne ? Est-il arrivé quelqu’un d’Italie ?

— Il n’y avait que ceux qui sont ici dans le réfectoire ; personne n’est arrivé d’Aoste : la saison des voyages est terminée. Voilà un mois que nous ne voyons que ceux qui sont pressés et qui ont leurs raisons pour se fier au temps. Dans l’été, nous avons quelquefois mille voyageurs à loger.

— Ceux que vous recevez doivent être reconnaissants, mon frère ; car, en vérité, la nature n’est pas ici prodigue de ses trésors.

Sigismond et le moine regardèrent autour d’eux, et ne voyant que des rocs nus et noircis par le temps, ils sourirent en se regardant.

— La nature ne nous donne absolument rien, répondit le jeune moine. Notre bois de chauffage nous est apporté de plusieurs lieues et à dos de mulet : vous pensez bien qu’entre autres nécessités celle-ci en est une que nous ne pouvons pas oublier. Heureusement il nous reste encore quelques revenus qui étaient beaucoup plus considérables autrefois ; et…

Le jeune moine hésita.

— Vous voulez dire, mon frère, que tous ceux qui ont le moyen de montrer leur reconnaissance n’oublient pas toujours les besoins de ceux qui partagent la même hospitalité, et qui ne sont pas assez fortunés pour donner eux-mêmes des gages de leur gratitude.