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est situé. Devant sa porte principale, le roc s’élève en une colline mal formée, à travers laquelle passe la route d’Italie. C’est littéralement le point le plus élevé du sentier, comme le couvent lui-même est l’habitation la plus élevée de l’Europe. Dans ce lieu la distance d’un roc à un autre, à travers la gorge, peut être d’environ cent mètres ; la masse sauvage et rougeâtre s’élève à plus de mille pieds de chaque côté : ce sont des nains cependant en comparaison de plusieurs autres masses qui, vues du couvent, s’élèvent à la hauteur des neiges éternelles. Lorsque ce point est atteint, le sentier commence à descendre, et l’écoulement d’un banc de neige placé devant la porte du couvent, qui avait résisté à la plus grande chaleur de l’été précédent, se répandait en partie dans la vallée du Rhône, en partie dans le Piémont. Les eaux, après une course longue et tortueuse à travers les plaines de France et d’Italie, se rejoignent dans la Méditerranée. Le sentier, en quittant le couvent, parcourt la base des rocs à droite, et laisse à gauche un petit lac limpide qui occupe presque entièrement la vallée de cette gorge. Il disparaît alors entre deux remparts de rochers, à l’autre extrémité du défilé. Là, le surplus des eaux du lac forme un ruisseau bruyant et rapide sur le côté des Alpes où le soleil répand sa chaleur. La frontière d’Italie est sur les bords de ce lac, à environ une bonne portée de fusil du couvent, et près des restes d’un temple que les Romains avaient élevé à Jupiter Tonnant.

Telle fut la vue qui se présenta aux regards de Sigismond lorsqu’il quitta le bâtiment pour attendre l’arrivée de ses compagnons de voyage. La matinée n’était pas encore avancée, quoique, vu son élévation excessive, le couvent fût déjà éclairé depuis une heure par les rayons du soleil. Il avait appris d’un des serviteurs du monastère qu’un grand nombre de voyageurs qui, dans la belle saison, arrivaient quelquefois par centaines, avaient couché au couvent et prenaient alors leur déjeuner dans le réfectoire des paysans ; il voulait éviter les questions qu’on ne manquerait pas de lui faire lorsqu’on saurait l’événement qui venait d’arriver dans les montagnes. Un des religieux caressait quatre ou cinq énormes chiens, qui sautaient et aboyaient à la porte du couvent en ouvrant des gueules immenses, tandis que le vieil Uberto marchait au milieu d’eux avec la gravité qui convenait à ses années. Apercevant son hôte, l’Augustin quitta les chiens, et ôtant son bonnet oriental, il salua Sigismond avec politesse. Le religieux