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de l’obscurité et d’un froid qui s’accroissait sans cesse, il vit prendre le parti d’où dépendait leur existence à tous : ce qui était hors de doute, même pour une personne aussi peu accoutumée que lui aux montagnes.

— Ne craignez pas de vous confier au vieil Uberto, Signore, répondit Pierre marchant toujours, car on ne pouvait penser à un plus long délai. Sa fidélité et son expérience sont des guides sûrs. Les serviteurs du couvent dressent ces chiens à connaître les sentiers, et à ne pas les quitter, lors même que la neige les recouvre de plusieurs brasses. Il m’a souvent semblé que Dieu leur avait donné tout exprès des cœurs courageux, de longues pattes et un poil court, et certes ils font un noble usage de ces dons ! je connais leur caractère, car nous autres guides, nous étudions en général les ravins du Saint-Bernard, en servant d’abord les frères du couvent ; et pendant bien des jours j’ai monté et descendu ces rochers, avec une couple de ces animaux dressés dans ce but. Le père et la mère d’Uberto étaient mes compagnons favoris, le fils ne voudra pas tromper un vieil ami de sa famille.

Les voyageurs suivirent alors leur conducteur avec plus de confiance au milieu des ténèbres. Uberto s’acquittait de l’emploi dont il était chargé avec la prudence et la fermeté qui convenaient à son âge, et qui, à la vérité, étaient très-nécessaires pour la circonstance dans laquelle il se trouvait. Au lieu de courir en avant et de s’exposer à être perdu de vue, ce qui serait probablement arrivé à un animal plus jeune, le noble chien, ayant presque l’air de réfléchir, conserva un pas convenable à la marche lente de ceux qui soutenaient les femmes, et de temps en temps il s’arrêtait et regardait comme pour s’assurer si personne n’était resté en arrière.

Les chiens du Saint-Bernard sont, ou, pour mieux dire, étaient (car l’on assure que l’ancienne race n’existe plus) préférés à tous les autres, à cause de leur force, de la hauteur de leurs membres, et de leurs poils presque ras, comme Pierre venait de le dire tout à l’heure. La première de ces qualités était nécessaire pour porter les secours dont ils étaient souvent chargés et pour surmonter les obstacles des montagnes, et les deux autres les rendaient plus capables d’errer au milieu des neiges et de résister aux frimas. Leur éducation consistait à les rendre familiers et affectionnés avec la nature humaine, à leur apprendre à distinguer