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ment. Je suis tout aussi embarrassé que vous, Signore, et tout en étant peut-être plus habitué aux montagnes, je n’ai pas d’autre espoir que la faveur des saints ; si elle me manque, je finirai ma vie au milieu des neiges, au lieu de la terminer au milieu des vagues ; destin que, jusqu’à présent, j’avais cru être le mien.

— Mais le chien, cet admirable Neptune !

— Ah ! Eccellenza, ici il n’est qu’un animal inutile : Dieu lui a donné une robe plus épaisse et plus chaude qu’à nous autres chrétiens, mais cet avantage même nuira bientôt à mon pauvre ami ; ses longs poils se couvriront de glaces, et leur poids ralentira sa marche. Les chiens du mont Saint-Bernard ont le poil plus lisse, les membres plus allongés, un odorat plus fin, et de plus, ils sont dressés à parcourir la montagne.

Maso fut interrompu par un cri perçant de Sigismond, qui, voyant que la rencontre inopinée du marin n’apporterait aucun changement à leur position, était reparti sur-le-champ pour continuer ses recherches, suivi de Pierre et d’un de ses compagnons. Le son fut répété par le guide et le muletier, et on les aperçut bientôt tous les trois, courant au travers des neiges et précédés par un énorme chien. Neptune, qui était resté tapi avec son énorme queue entre ses jambes, aboya, parut, en se levant, reprendre un nouveau courage, et sauta avec une joie et une bienveillance évidentes sur le dos de son ancien rival Uberto.

Le chien du Saint-Bernard était seul ; mais son air, tous ses mouvements étaient ceux d’un animal dont l’instinct s’élève au plus haut point accordé par la nature à une intelligence qui n’est pas celle de l’homme. Il courait de l’un à l’autre, frottait contre eux ses flancs polis et vigoureux. Il remuait la queue, et faisait enfin tous les gestes ordinaires des animaux de son espèce quand leurs facultés sont excitées. Il avait fort heureusement un très-bon interprète dans le guide, qui connaissait les habitudes et, si l’on peut s’exprimer ainsi, les intentions du chien qui, sentant qu’il n’y avait pas un seul instant à perdre si l’on voulait sauver les membres les plus faibles de la troupe, supplia qu’on fit à la hâte les dispositions nécessaires pour profiter de leur heureuse rencontre. On aida, comme auparavant, les femmes à marcher ; les mules furent liées ensemble, et Pierre, se plaçant à leur tête, appela le chien d’une voix joyeuse, et l’encouragea à les conduire.

— Est-il bien prudent de se laisser ainsi guider par un animal ? demanda le signor Grimaldi, un peu incertain, quand, au milieu