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toujours, on doit, avec le temps, arriver au village qui est dans la plaine.

— Le temps de ce trajet nous serait fatal, répondit Pierre. Je, ne connais plus qu’une ressource : si vous voulez rester tous ensemble et répondre à mes cris, je ferai de nouveaux efforts pour retrouver le sentier.

Cette proposition fut acceptée avec joie, l’énergie réveille l’espérance, et le guide allait les quitter, quand il sentit sur son bras la pression de la main vigoureuse de Sigismond.

— Je serai ton compagnon, dit le soldat avec fermeté.

— Vous ne me rendez pas justice, jeune homme, répondit Pierre avec l’accent du plus sévère reproche ; si je suis assez lâche pour fuir, je conserve encore assez de force pour arriver en sûreté au bas de la montagne ; mais si un guide des Alpes peut périr dans les neiges, comme un autre homme, le dernier battement de son cœur n’en est pas moins consacré à ceux qu’il a juré de servir !

— Mille, mille pardons, brave vieillard, — permets-moi de t’accompagner ; nous aurons, étant deux, plus de chances pour réussir.

L’offensé Pierre, aussi satisfait du courage du jeune homme qu’il avait été mécontent de ses soupçons, reçut l’excuse ; il lui tendit ta main, et oublia le sentiment qu’avait excité, même au milieu de cette affreuse tempête, ce doute sur sa fidélité. Après cette courte concession accordée à ce volcan de passions humaines, qu’on peut étouffer, mais jamais éteindre, ils partirent pour faire une dernière tentative.

La neige avait déjà plusieurs pouces d’épaisseur ; et comme la route n’était pas autre chose que le passage étroit d’un cheval, qu’on pouvait à peine distinguer en plein jour, parmi les débris dont le ravin était couvert, il n’y aurait pas eu le moindre espoir de réussir si Pierre n’avait pas su qu’on pouvait encore retrouver quelques traces des mules qui chaque jour montaient et descendaient la montagne ; Les cri des muletiers répondaient à ceux des guides de minute en minute tant qu’on restait à la portée de la voix les uns des autres, on ne courait pas le risque de se séparer ; mais au milieu des sourds mugissements du vent et des sifflements continuels de la tempête, il n’était ni sûr, ni praticable de s’aventurer seul au loin. Plusieurs petites éminences, formées par le roc, avaient été montées et descendues, ils avaient aussi