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position de sa sœur et des autres femmes, qui depuis quelques instants n’avaient pas prononcé un seul mot.

Cette demande fit tressaillir celui à qui elle s’adressait ; elle était faite dans un moment où la tempête semblait redoubler de violence, où il était impossible de distinguer la neige qui couvrait la terre, à vingt pas de l’endroit où la troupe frissonnante était réunie. Sigismond écarta les manteaux qui enveloppaient Christine, et la jeune fille, presque évanouie, tomba sur son épaule, comme l’enfant demi endormi cherche à s’appuyer sur le sein qu’il chérit.

— Christine ! — ma sœur ! ma pauvre, mon angélique sœur ! murmura le jeune soldat, qui, heureusement pour son secret, ne fut entendu que d’Adelheid. Éveille-toi, Christine ; relève ta tête pour l’amour de notre excellente et tendre mère ! Éveille-toi, Christine, au nom de Dieu !

— Parle-nous, chère Christine ! s’écria Adelheid, sautant à terre et pressant dans ses bras la jeune fille, qui lui souriait à demi engourdie. Que Dieu me préserve de l’affreuse torture d’avoir causé ta perte, en t’amenant dans ces montagnes inhospitalières ! Christine, si tu m’aimes, si tu as pitié de moi, éveille-toi !

— Prenez garde aux femmes, dit vivement Pierre, qui pensait alors qu’on touchait à une de ces terribles crises des montagnes, sources de malheurs, rares, il est vrai, mais non sans exemple, et dont, dans le cours de sa vie, il avait plus d’une fois été le témoin ; veillez sur toutes les femmes, car ici, le sommeil, c’est la mort !

Les muletiers enlevèrent aussitôt aux femmes d’Adelheid les couvertures qui les entouraient, et déclarèrent que toutes deux étaient dans un péril imminent, l’une étant déjà sans connaissance. Le flacon de Pierre et les efforts des muletiers parvinrent à la ranimer assez pour éloigner toute crainte d’un danger immédiat ; mais il était évident, pour le moins expérimenté des voyageurs, qu’une demi-heure de plus de souffrances rendrait probablement tout remède inutile, et, pour ajouter à horreur de cette conviction, tous, sans en excepter les muletiers, sentaient s’échapper cette chaleur vitale dont la perte totale est celle de la vie.

Chacun avait mis pied à terre, l’imminence du danger leur était connue ; ils comprenaient que le courage seul pouvait les