Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heid. Ce fut ainsi que se passa le peu d’instants qui précédèrent la chute totale du jour.

Le ciel n’était plus visible, l’œil qui le cherchait ne rencontrait qu’une succession sans fin de flocons blancs et épais, et il devenait difficile de distinguer même les remparts de rochers qui limitaient le ravin irrégulier dans lequel ils se trouvaient. Ils savaient néanmoins qu’ils n’étaient pas à une grande distance du sentier, qui en effet passait quelquefois à leurs côtés. Dans d’autres moments ils traversaient des landes de montagnes, rudes et remplies de cailloux, si ce nom de landes peut s’appliquer à un terrain qui n’offre ni vestige, ni espoir de végétation ; les traces de ceux qui les avaient précédés devenaient de moins en moins visibles ; mais ils retrouvaient encore de temps en temps le ruisseau qui descendait des glaciers, en circulant autour de la route, et dont ils avaient suivi le cours durant un si grand nombre des heures de la journée. Pierre, tout en espérant qu’il n’avait pas quitté la vraie direction, était le seul qui sût qu’on ne pouvait plus compter sur ce guide ; car à mesure qu’on approchait du sommet de la montagne, le torrent, s’affaiblissant par degrés, se séparait en une vingtaine de petits filets d’eau, que venaient alimenter les neiges accumulées entre les pointes des rochers.

L’air continuait d’être calme, et le guide voyant que les minutes se succédaient les unes aux autres sans apporter le moindre changement, pensa qu’il pouvait, appuyant sur ce fait, encourager ses compagnons en leur donnant l’espoir qu’ils pourraient arriver au couvent sans éprouver de calamité plus sérieuse. Comme pour se jouer de cette espérance, les flocons de neige se mirent à tourbillonner au moment même où ces paroles de bon augure allaient sortir de ses lèvres ; et le vallon fut traversé par un souffle qui mit en défaut la protection des mantes et des manteaux. Malgré sa résolution et son courage, l’intrépide Pierre laissa échapper une exclamation de désespoir, et il s’arrêta comme ne pouvant plus cacher les craintes qui s’étaient amoncelées dans son sein durant l’heure si longue et si pénible qui venait de s’écouler. Sigismond ainsi que la plupart des autres voyageurs marchaient depuis quelque temps à pied, dans la vue de se réchauffer. Le jeune homme avait souvent traversé les montagnes, et dès que le cri de Pierre eut frappé son oreille, il s’élança vers lui.