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— Honneur à vous et à votre sainte mission, dit le Napolitain qui, au milieu de son insouciante légèreté, conservait cet instinct de respect que les hommes, même les plus égoïstes, éprouvent pour ceux qui se dévouent au bien des autres. Passez en toute liberté avec votre vieil Uberto ; nos vœux vous accompagneront tous les deux.

Ce long et inutile examen était enfin terminé, et les plus superstitieux d’entre les voyageurs, après s’être consultés quelques minutes, finirent par se persuader que le bourreau, intimidé par leurs justes remontrances, s’était évadé sans être aperçu, et les avait heureusement délivrés de sa présence. À cette nouvelle, tous les membres de cette bizarre compagnie se félicitèrent mutuellement et ne pensèrent plus qu’à hâter leur départ, car Baptiste déclarait hautement qu’il ne pouvait plus accorder aucun délai.

— À quoi donc pensez-vous ? s’écria-t-il avec une chaleur bien jouée ; prenez-vous les vents du Léman pour des laquais en livrée qui vont et viennent à volonté ? Croyez-vous qu’il souffleront tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, suivant vos désirs ? Imitez le noble Melchior de Willading qui depuis longtemps est à sa place, et priez les saints, chacun dans votre langage, pour que ce bon vent d’ouest ne nous quitte pas en punition de notre négligence.

— En voici d’autres qui viennent en toute hâte pour être de la partie, interrompit le rusé Italien, lâchez bien vite les câbles, maître Baptiste, ou bien par saint Janvier ! ce sera encore un retard !

Le patron se calma sur-le-champ, et s’empressa d’aller voir ce qu’on pouvait espérer de cette bonne fortune inattendue.

— Deux voyageurs vêtus en hommes habitués à fréquenter les grandes routes, suivie d’un domestique et d’un porte-faix presque courbés sous le poids de leur bagage, s’avançaient à grands pas, comme s’ils pressentaient que le moindre délai pouvait leur faire manquer l’occasion de partir. Celui qui marchait à la tête du groupe avait dépassé de beaucoup le milieu de la vie ; il était évident que la déférence de ses compagnons, plutôt que ses propres forces, lui faisait conserver ce poste. Un manteau était jeté sur un de ses bras, de l’autre main il portait la rapière que tout noble considérait alors comme l’accessoire nécessaire de son rang.

— Vous êtes au moment de manquer la dernière barque qui