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vait ses leçons avec une reconnaissance et une aptitude qui enchantaient l’institutrice.

Sigismond était l’heureux témoin d’un entretien qui captivait toute son attention, et cependant ses excursions fréquentes sur la montagne, qu’il avait si souvent parcourue sous un ciel plus doux, lui laissaient peu de choses à apprendre même d’un maître si habile et si séduisant.

À mesure qu’ils avançaient, l’air devenant plus pur, plus dégagé des vapeurs humides des régions inférieures, changeait, par un phénomène aussi admirable que ceux de la chimie, la couleur et l’aspect de chaque objet. Le soleil échauffait de ses rayons une vaste portion de la montagne ; se jouant sur ses masses arrondies, ils créaient des centaines de longues raies d’un rouge foncé, sur chaque plateau de verdure qui, semblable au velours, recevait de leurs vives clartés mille impressions variées ; tandis que les ombres, passant de ce foyer de lumière, pour parler le langage du peintre, à toutes les gradations des teintes obscures, allaient enfin se perdre dans la colonne de vigueur formée par les branches pendantes d’un bois de mélèzes, situé dans les profondeurs d’un ravin où la vue pénétrait à peine. Telles étaient les beautés sur lesquelles Adelheid se plut à s’arrêter ; ce sont celles dont les charmes frappent le plus vite le véritable admirateur de la nature, lorsque planant au-dessus des couches les plus épaisses de l’atmosphère, il se trouve dans ces régions inondées de lumière. C’est ainsi qu’au physique, non moins qu’au moral, nous obtenons en nous éloignant de ce monde corrompu quelques étincelles de je ne sais, quel instinct pur et sublime qui semble nous dévoiler quelques mystères de la création. Symbole poétique, mais vrai, de la jouissance plus parfaite, plus intime que l’âme ressent lorsqu’une vive impulsion, la détachant de la terre, la rapproche du ciel.

Suivant l’usage, nos voyageurs s’arrêtèrent pendant plusieurs heures au petit hameau de Liddes ; à présent qu’un sentier commode est tracé dans cette portion de la route, il n’est pas rare de gravir la montagne et de revenir à Martigny dans la même journée ; et la descente surtout exige peu de temps dès qu’on atteint le village que nous venons de nommer. Mais à l’époque de notre histoire, un tel exploit, si jamais il avait eu lieu, n’était nullement commun. La fatigue d’être resté si longtemps à cheval fit faire à toute la caravane un séjour à l’auberge beaucoup plus long