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près du ciel au couvent qu’il ne le sera certainement à l’heure de la mort : — que saint Pierre prie pour moi si je lui fais quelque injustice ! et un ou deux autres du même genre. Il y a aussi un homme qui a pris la même route avec beaucoup de précipitation ; ce n’est pas sans motif, car on dit qu’il s’est rendu la risée de Vevey, pour je ne sais quelle folie dans les fêtes de l’Abbaye. — C’est un certain Jacques Colis.

Ce nom fut répété par plusieurs assistants.

— Lui-même, Messieurs : il paraîtrait que le sieur Colis avait feint de prendre pour sa femme, pendant les divertissements publics, une jeune fille dont tout à coup la naissance vint à être connue, et l’on découvrit que sa fiancée était la fille de Balthazar, le bourreau de Berne !

Un silence général trahit l’embarras de la plupart des auditeurs.

— Et ce conte a déjà pénétré dans ce vallon ? dit Sigismond avec un accent si ferme et si sombre, que Pierre tressaillit en l’écoutant, tandis que les deux nobles vieillards se détournaient, feignant de ne pas observer ce qui se passait.

— La renommée a le pied plus léger qu’une mule, jeune officier, répondit l’honnête guide ; le conte, comme vous l’appelez, aura traversé les montagnes plus vite que ceux qui l’apportent. — Je n’ai jamais pu comprendre comment un tel miracle pouvait arriver. — Mais c’est ainsi ; une nouvelle va plus vite que la langue qui la répand, et s’il s’y mêle un peu de mensonge pour la soutenir, le vent même est à peine plus rapide. Le bon Jacques Colis s’est imaginé qu’il prenait les devants sur son aventure ; mais je gagerais ma vie que, malgré toute son agilité à s’éloigner des mauvais plaisants, il trouvera à son arrivée à Turin, son histoire bien établie dans l’auberge avec tous ses commentaires.

— Ces hommes sont-ils seuls ? interrompit le signor Grimaldi, qui vit à la respiration précipitée de Sigismond qu’il était temps d’intervenir.

— Non, Signore. — Ils ont un compagnon que j’aime encore moins ; c’est un de vos compatriotes, qui s’appelle lui-même assez impudemment Il Maledetto.

— Maso ?

— Précisément.

L’honnête et courageux Maso ! Et son noble chien !

— Signore, vous dépeignez si bien l’homme sous plusieurs rapports, que je m’étonne que vous le connaissiez si peu sous les