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nos têtes comme des oiseaux inquiets qui ne savent où se reposer. C’est à peine si on peut deviner s’il faut ou non prendre son manteau.

— San Francisco ! penses-tu donc que je m’amuse à penser au choix d’un vêtement plus ou moins chaud ? Je te parle des avalanches, de la chute des rochers, des tourbillons et des tempêtes.

Pierre se mit à rire et secoua la tête tout en répondant vaguement comme son intérêt l’exigeait.

— Ce sont là, Signore, les opinions que les Italiens se plaisent à avoir sur nos montagnes. Notre passage n’est pas si souvent troublé par les avalanches, même dans la fonte des neiges, que d’autres défilés bien connus. Si de l’extrémité du lac vous aviez considéré les sommets des montagnes, vous auriez vu qu’à l’exception des blancs glaciers ils sont tous d’une sombre nudité. Il faut que la neige tombe du ciel avant de former des avalanches, et nous sommes, je pense, encore peu éloignés de l’hiver.

— Tes calculs ne manquent pas de finesse, mon ami, reprit le Génois, qui n’était nullement fâché cependant d’entendre le guide parler du temps avec tant d’assurance, et notre reconnaissance ira en proportion. Que dis-tu des voyageurs dont tu m’as parlé ? Y a-t-il des brigands sur notre route ?

— Elle a été longtemps infestée par eux ; mais en général leur gain serait trop faible en comparaison du danger. On ne voit pas tous les jours dans nos rochers de riches voyageurs, et vous savez bien, Signore, que celui qui attend sur la route trouve peu à gagner et beaucoup à perdre.

L’italien avait sur de tels sujets l’habitude de la méfiance, il jeta sur son guide un regard vif et soupçonneux. Mais la contenance franche et ouverte de Pierre éloignait tous les doutes, sans parler de l’effet d’une réputation bien établie.

— Mais tu as parlé de certains vagabonds qui nous ont précédés ?

— De ce côté les choses pourraient être mieux, répondit le franc montagnard penchant la tête dans une attitude méditative qui paraissait assez naturelle pour ajouter du poids à ses paroles. Des hommes de très-mauvaise mine sont certainement montés aujourd’hui ; tels qu’un Napolitain nommé Pippo, qui n’est rien moins qu’un saint ; — un certain pèlerin, qui se trouvera plus