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CHAPITRE XX.


Je te chercherai les sources les plus limpides, je te cueillerai des fruits.
Shakespeare. La Tempête.



Le lendemain de la fête de l’Abbaye des Vignerons, un jour pur et sans nuage se leva sur le Léman. Plusieurs centaines de Suisses, sobres et avares du temps, avaient quitté la ville bien avant l’aurore, et une foule d’étrangers se pressaient dans les barques au moment où le soleil paraissait brillant et radieux ; sur les riants sommets des côtes voisines. Malgré cette heure matinale, une grande agitation régnait dans le château élevé de Blonay et autour de cette habitation, les domestiques couraient de chambre en chambre, montaient et descendaient : on les voyait circuler dans les cours, sur les terrasses. Les paysans, qui travaillaient dans les champs voisins suspendirent leurs travaux, et appuyés sur les instruments du labour, ils considéraient, la bouche entr’ouverte et dans une muette admiration, les préparatifs du château. Quoique les faits que nous sommes chargés de raconter ne se soient pas passés précisément dans l’âge de la féodalité, ils précèdent néanmoins de beaucoup d’années les grands événements politiques qui ont apporté des changements si considérables à l’état social de l’Europe. La Suisse était dans ce temps une contrée fermée, même aux habitants des pays adjacents ; les routes et les auberges ne ressemblaient en rien à ce qu’elles sont à présent, non-seulement chez ces montagnards, mais dans tout le reste de ce qui était appelé alors, avec plus de justice qu’aujourd’hui, la seule portion civilisée du globe. On n’osait pas souvent se confier aux chevaux pour le passage des Alpes ; le voyageur avait recours aux pieds plus sûrs de la mule, et il n’était pas rare de la voir employer aussi par les voituriers et les contrebandiers les plus habitués à parcourir ces sentiers escarpés. Des routes existaient comme dans le reste de l’Europe, dans le pays de plaine, si ce nom peut s’appliquer à aucune des parties de la