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grâce naïve que l’étrangère venait de montrer dans le petit incident que nous avons rapporté, fut senti même par le Napolitain et ses compagnons ; non seulement ils laissèrent passer les domestiques sans les interroger, mais pendant quelques instants leur vigilance prit une forme moins acerbe, et deux ou trois voyageurs profitèrent de cet heureux changement dans leurs dispositions.

Le premier qui se présenta fut le jeune militaire que le baron de Willading avait souvent désigné sous le nomade M. Sigismond. Ses papiers étaient en règle, aucun obstacle ne s’opposait à son départ. Il était difficile de pressentir de quelle manière ce jeune homme supporterait les questions peu légales des trois députés, s’ils tentaient de les lui adresser ; ses regards, tandis qu’il s’acheminait vers le quai, n’exprimaient qu’un calme affectueux. Le respect ou un autre sentiment le protégea si bien que personne, excepté le pèlerin qui déployait un zèle outré dans ses recherches, ne s’aventura à hasarder même une simple remarque lorsqu’il passa.

— Voici un bras et une épée qui pourraient bien raccourcir les jours d’un chrétien, s’écria le dissolu et effronté marchand des abus de l’Église, et cependant personne ne lui demande son nom ni son état.

— Tu ferais bien de l’interroger toi-même, puisque tu fais commerce de pénitences, répondit le bouffon Pippo, pour moi, je me contente de sauter à ma guise, et je ne veux avoir rien à démêler avec le bras de ce jeune géant.

L’étudiant et le bourgeois de Berne parurent être du même avis ; rien de plus ne fut ajouté à ce sujet. Pendant ce temps, un autre voyageur se présentait à la porte. Il n’avait rien dans son extérieur qui pût éveiller les craintes du superstitieux trio ; sa position dans le monde semblait également éloignée de l’opulence et de la pauvreté, son air était paisible et doux, son maintien calme et sans prétention. Le gardien de la ville lut son passeport, jeta un prompt et curieux regard sur l’individu qui était devant lui, et lui rendit ses papiers avec un empressement qui décelait le désir d’en être débarrassé.

— C’est bien, dit-il, vous pouvez continuer votre route.

— Pour le coup, s’écria le Napolitain, qui plaisantait autant par disposition naturelle que par état, nous tenons Balthazar ; le voilà avec son air cruel et son regard fier. Un rire général accueillit cette saillie et l’encouragea à continuer. — Vous con-