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de l’ardent Sigismond, et dont la sincérité avait pour gage ce vif et rapide instinct qui unit si promptement les âmes jeunes et pures produisit en elle un changement subit. La douleur qui s’agitait, renfermée dans son sein, obtint enfin un libre passage ; elle se précipita en pleurant et en sanglotant dans les bras de sa nouvelle amie, et s’y abandonna à une douce mais déchirante émotion. Marguerite sourit à cette preuve de l’amitié d’Adelheid, mais l’expression même du plaisir était austère et contenue dans cette femme qui avait tant à se plaindre du sort. Un instant après, Marguerite quitta la chambre ; elle pensait que l’influence d’un esprit non moins pur, non moins expérimenté que l’était celui de Christine, influence si nouvelle pour elle, produirait plus facilement un heureux effet, si elle ne gênait pas les deux jeunes filles par sa présence.

Elles pleurèrent ensemble longtemps après le départ de Marguerite. Cette liaison récente, mais formée sous les auspices d’une vive douleur et rendue plus douce par la confiante ingénuité de l’une et la généreuse pitié de l’autre, ressemblait déjà à une longue intimité. La confiance n’est pas toujours le fruit du temps. Il y a des êtres qui ont ensemble une espèce d’affinité qui rappelle les propriétés de l’aimant ; ils s’unissent alors avec une rapidité, une promptitude qui appartient à la pure essence dont ils sont formés. Mais quand un sentiment commun, aussi tendre que celui qu’elles ressentaient pour le même objet, vient se joindre à cette attraction des âmes, son pouvoir se fait sentir, non seulement avec plus de force, mais encore avec plus de rapidité. En exceptant le secret le plus intime d’Adelheid, que Sigismond chérissait comme un dépôt trop sacré pour le partager même avec sa sœur, elles connaissaient si bien leurs craintes, leur position leurs espérances respectives, qu’elles ne pouvaient dans aucune circonstance se rencontrer comme des étrangères. La connaissance intime qu’elles avaient l’une et l’autre servit à éloigner d’elles la gêne de ces formalités qui se seraient opposées à l’épanchement de leurs sentiments et de leurs pensées. Adelheid possédait un tact beaucoup trop sûr pour avoir recours au langage des consolations vulgaires. Quand elle put parler, ce qu’elle lit la première comme il convenait à son rang et à sa situation plus exempte d’embarras, elle n’employa que de générales, mais tendres allusions.

— Si tu voulais, dit-elle en essuyant ses larmes, venir avec nous en Italie, mon père et le signor Grimaldi quittent Blonay