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— Cela n’est pas nécessaire, Madame ; éloignez-les plutôt, car leur présence attirerait l’attention sur nous. La ville est dans ce moment distraite par les jeux, et nous n’avons pas oublié la nécessité d’assurer une retraite à celui qui est toujours poursuivi, persécuté ; nous pouvons nous y rendre sans être aperçus. Pour vous-même…

— Je veux être près de Christine dans un tel moment, reprit vivement Adelheid avec cette émotion de l’âme qui manque rarement de retentir dans une autre âme.

— Que Dieu vous bénisse ! qu’il pose sa main sur vous, ange de bonté ! Oui, il vous bénira : dans cette vie même peu de fautes échappent au châtiment, et peu de bien passe sans récompense. Renvoyez ceux qui vous entourent, où si vos habitudes vous rendent leur présence nécessaire, que du moins ils se tiennent à l’écart tandis que vous serez attentive à nos mouvements ; et quand tous les regards seront fixés sur d’autres objets, vous pourrez nous suivre. Soyez bénie une fois encore !

Marguerite conduisit alors sa fille vers une des rues les moins fréquentées. Elle était accompagnée du silencieux Balthazar, et suivie de près par un des gens d’Adelheid. Quand elle fut arrivée sans accident, le domestique retourna pour indiquer la maison à sa maîtresse, qui durant ce temps avait paru s’occuper des jeux et des tours qui amusaient la multitude. Renvoyant alors ceux qui l’accompagnaient en leur ordonnant cependant de rester à quelque distance, l’héritière de Willading trouva bientôt le moyen de pénétrer dans l’humble demeure, qui servait d’asile à la famille proscrite ; et, comme elle était attendue, ou l’introduisit sur-le-champ dans la chambre où Christine et sa mère s’étaient réfugiées.

Le cœur de Christine savait apprécier les douces consolations de la jeune et tendre Adelheid. Elles pleurèrent ensemble ; car la faiblesse de son sexe l’emporta sur sa fierté, quand elle ne fut plus contenue par les regards observateurs d’une foule curieuse, et elle s’abandonna aux torrents d’émotions qui s’échappaient de son sein, malgré tous ses efforts pour les y renfermer.

Marguerite, seul témoin de la silencieuse mais expressive expansion de ces deux âmes si jeunes et si pures, se sentit profondément touchée par une compassion si inattendue dans une personne placée si haut et qu’on croyait si heureuse.

— Vous avez le sentiment de l’injustice qui nous opprime,