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de ces jeunes filles, s’approcha de l’autre, au moment où la curiosité, tout à fait calmée, laissait la famille de Balthazar presque seule dans le centre de la place.

— N’y a-t-il pas quelque toit hospitalier qui puisse vous offrir un asile ? demanda l’héritière de Willading à la mère de la pâle Christine, encore presque insensible. Vous feriez bien de chercher un abri, une retraite pour cette enfant, si douce et si outragée. Si quelques-uns de mes gens pouvaient vous être de quelque utilité, je vous prie d’en disposer aussi librement que des vôtres.

Jamais Marguerite n’avait eu jusque-là de rapports avec une femme d’un rang supérieur à la classe ordinaire. La fortune considérable de son père et de son mari lui avait procuré tout ce qui peut servir à une bonne éducation ou à perfectionner l’esprit d’une personne placée dans une telle position ; elle était peut-être redevable de la pureté de son langage et de ses manières aux préjugés qui lui avaient interdit toute relation avec les femmes qu’elle aurait pu regarder comme ses égales. Suivant l’ordinaire de ceux dont la pensée est exercée, mais qui sont étrangers aux usages de convention reçus dans la classe élevée, elle avait une teinte légère de ce qu’on pourrait appeler exagération, sans qu’on pût remarquer en elle rien de bas ni de vulgaire. La douce voix d’Adelheid s’insinua dans son âme ; elle la regarda longtemps avec affection sans lui répondre.

— Qui donc êtes-vous ? vous qui pensez que la fille d’un bourreau peut recevoir une insulte qu’elle n’a pas méritée, et qui daignez m’offrir vos gens, comme si le plus humble vassal ne refuserait pas d’obéir au maître qui lui ordonnerait de nous rendre un service ?

— Je suis Adelheid de Willading, la fille du baron de ce nom, et une personne qui voudrait pouvoir adoucir la cruelle épreuve que la pauvre Christine vient de souffrir. Permettez-moi de m’occuper des moyens de faire conduire votre fille dans un lieu sûr.

Marguerite pressa sa fille encore plus étroitement sur son sein, et passa une main sur son front comme pour se rappeler un souvenir à demi effacé.

— J’ai entendu parler de Madame. — Je sais que vous êtes indulgente pour les coupables et bonne pour les malheureux ; que le château de votre père est un asile honoré et hospitalier, dont l’étranger ne s’éloigne jamais sans regrets. Mais avez-vous