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et sa fille aux insultes de la foule, et il attendait le moment favorable pour disparaître sans être aperçu ; Marguerite pressait encore Christine dans ses bras, comme si elle craignait quelque insulte nouvelle pour sa fille bien aimée. Le lâche fiancé avait saisi la première occasion de s’échapper ; on ne le revit plus à Vevey pendant le reste des fêtes.

Peterchen, en descendant de l’estrade, regarda le groupe d’un air un peu embarrassé ; et, se tournant vers les archers, il leur fit signe de s’approcher avec leurs prisonniers.

— Ta maudite langue a troublé un des plus doux moments de cette joyeuse journée, dit le bailli à Pippo, avec un accent sévère ; je ferais bien de t’envoyer à Berne, balayer les rues pendant un mois, pour te punir de ton indiscrétion. Mais, au nom de tous les saints, de toutes les idoles que Rome honore, dis-moi pourquoi tu es venu détruire le bonheur de cette honnête famille ; d’une si étrange manière ?

— Mon seul motif, Excellence, est l’amour de la vérité, et une juste horreur pour l’homme de sang.

— Je comprends aisément que toi et tes pareils aimiez peu les ministres de la loi, et il est probable que ta répugnance va s’étendre jusqu’à moi ; car je vais prononcer un juste arrêt contre toi et tes compagnons pour avoir dérangé l’ordre de mes cérémonies, et surtout pour l’énorme crime d’outrage envers nos agents.

— Pourriez-vous m’accorder une minute ? demanda tout bas le Génois.

— Une heure, noble Gaëtano, si vous le désirez.

Ils s’entretinrent quelques instants à l’écart, et durant ce court dialogue le signor Grimaldi, ayant regardé par hasard Maso, dont le calme avait l’apparence du repentir, étendit le bras vers le Léman pour faire comprendre aux prisonniers le sujet de leur conversation. À mesure qu’herr Hofmeister écoutait, on voyait sa sévérité officielle se changer en une expression d’intérêt, et bientôt un total relâchement dans les muscles de son visage annonça ses indulgentes dispositions. Quand le Génois cessa de parler, il s’inclina en signe d’assentiment, et retourna vers les prisonniers.

— Comme je l’observais tout à l’heure, je suis obligé de prononcer un jugement définitif sur ces hommes et sur leur conduite. Je considère d’abord qu’ils sont étrangers ; et comme tels, non seulement ils ignorent nos lois, mais ils ont des droits à notre