Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et vous, excellente femme, la sienne, son épouse, et vous aussi, jolie Christine, qu’avez-vous tous à répondre au sensé plaidoyer de Jacques Colis ?

Balthazar, que le genre de ses fonctions et ses devoirs comme homme avaient souvent exposé à recevoir de cruels témoignages de la haine publique, avait bientôt retrouvé son calme habituel, quoiqu’il ressentît les angoisses d’un père et qu’il éprouvât un juste ressentiment de l’outrage que recevait la plus douce, la meilleure des filles. Mais le coup avait porté une plus forte atteinte à Marguerite, l’ancienne et fidèle compagne de sa pénible existence.

La femme de Balthazar n’était plus jeune, mais elle conservait un noble maintien et quelques traces de la beauté qui l’avait rendue si remarquable dans sa jeunesse. Quand les paroles qui annonçaient la perte de sa fille frappèrent son oreille, une pâleur mortelle se répandit sur son visage : on aurait pu croire, durant plusieurs minutes, qu’elle venait de dire un éternel adieu aux intérêts et aux émotions de la vie, tandis qu’elle luttait en effet contre une des plus violentes douleurs que le cœur humais puisse contenir, celle d’une mère blessée dans l’objet de sa maternelle affection. Le sang commençait à circuler lentement dans ses veines, quand le bailli leur adressa la parole ; sa figure ranimée exprima alors une foule de sentiments qui menaçaient de frustrer ses propres désirs, en lui ôtant la faculté de s’exprimer.

— Tu peux lui répondre, Balthazar, dit-elle avec précipitation, cherchant à l’encourager. Tu es accoutumé aux dédains de cette multitude. Tu es un homme, tu peux nous faire rendre justice.

— Herr bailli, dit le bourreau, qui s’écartait rarement de la douceur qui le caractérisait, Jacques a dit la vérité sur beaucoup de points ; mais tous ceux qui sont ici peuvent voir que la faute ne vient pas de nous ; on ne peut en accuser que cet inhumain vagabond. Le misérable a tenté de me faire périr sur le lac pendant notre dernière et malheureuse traversée et, non content d’avoir voulu priver mes enfants de leur père, il vient m’outrager d’une manière mille fois plus cruelle. Ma naissance m’a destiné aux fonctions que je remplis, vous le savez, herr Hofmeister : elles n’auraient pas été ambitionnées par moi ; mais les hommes regardent comme juste ce que la loi a voulu. Cette jeune fille ne peut jamais être appelée pour me remplacer et, connaissant