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moment délicat un incident non prévu vînt encore ajouter à sa vive émotion. Mais le notaire semblait avoir reçu sa leçon, et les détails qui concernaient Christine étaient arrangés avec un tel art, que, tout en étant parfaitement réguliers, ils éloignaient le soupçon, et que nulle attention ne fut attirée sur le point qu’on avait le plus redouté. Sigismon respirait plus librement à mesure que le notaire approchait de la conclusion, et Adelheid entendit le soupir qui lui échappa quand la lecture fut finie, avec cette joie que fait éprouver la délivrance d’un imminent danger. Christine elle-même sembla soulagée, quoique son inexpérience l’eût préservée, en grande partie, des craintes qu’une plus grande habitude des affaires avait fait éprouver à Sigismond.

— Ceci est tout à fait en règle, et il ne reste plus qu’à recevoir les signatures des parties respectives et de leurs amis, reprit le bailli ; un heureux ménage est semblable à un État bien ordonné ; c’est un avant-goût des joies et de la paix du ciel ; tandis qu’un intérieur chagrin et une union mal assortie peuvent être comparés à toutes les peines de l’enfer. Il faut que les amis des mariés sortent de la foule pour signer promptement, quand eux-mêmes se seront acquittés de ce devoir.

Un petit nombre de parents et d’associés de Jacques Colis vinrent se placer près de lui, et il signa aussitôt avec l’empressement d’un homme qui cherche à hâter son bonheur. Il y eut une pause ; chacun était curieux de voir les parents qui viendraient soutenir la tremblante jeune fille dans le moment le plus important et le plus solennel de sa vie. Quelques minutes s’écoulèrent, et personne ne parut. Sigismond respirait à peine, il semblait prêt à étouffer ; et, cédant à une généreuse impulsion, il se leva.

— Pour l’amour du ciel par pitié pour vous ! pour moi ! soyez plus calme, murmura Adelheid, glacée de terreur, car elle avait vu un éclair rapide sillonner son front.

— Je ne puis pas abandonner la pauvre Christine aux dédains du monde dans un tel instant ! Dussé-je mourir de honte, je dois avancer et me faire connaître.

La main de mademoiselle de Willading était posée sur son bras, et il cédait à cette silencieuse mais touchante prière, quand il vit que sa sœur allait sortir de son accablante solitude. La foule livrait un libre passage à un couple respectable vêtu comme de simples mais honorables bourgeois, et qui sans doute se dirigeait vers la mariée ; les yeux de Christine se remplirent de