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que nous avons décrits au commencement de la journée. Comme le mariage allait recevoir la sanction légale en présence du bailli, et avec les rites les plus solennels de l’église, la foule céda à sa curiosité ; et, rompant la ligne de sentinelles qui s’opposait à son invasion, elle se pressa au pied de l’estrade avec ce vif intérêt que la réalité seule inspire. Mille recherches avaient été faites, pendant le jour, sur la jeune mariée dont la beauté et le maintien surpassaient tellement ce qu’on pouvait attendre d’une personne qui consentait à jouer un semblable rôle dans une occasion si publique, et dont la modeste contenance formait un si singulier contraste avec sa situation présente. Son histoire, néanmoins, n’était pas connue ; du moins nul ne la révéla. Ce mystère avait vivement éveillé la curiosité, et l’élan général était simplement une preuve du pouvoir que l’attente, aidée de mille soupçons vagues, peut exercer sur une multitude oisive.

Quel que fût le caractère des conjectures faites aux dépens de la pauvre Christine, elles ne manquaient ni de variété ni de malice. Presque tous étaient forcés de louer son air timide et la séduisante douceur de ses traits si beaux et si doux ; quelques-uns, à la vérité, feignaient de croire à l’artifice, et soutenaient que sa beauté était trop parfaite pour être l’ouvrage de la seule nature. Cette réunion de remarques vulgaires se fondaient aussi sur la diversité des goûts, sur l’heureuse nécessité qui existe pour tous de trouver les moyens de se plaire à eux-mêmes ; mais ce n’était là que ces taches légères que la faiblesse humaine mêle d’ordinaire aux éloges qu’elle accorde. La sympathie générale était fortement et irrévocablement attirée vers la jeune inconnue. Ce sentiment se manifesta de la manière la plus évidente quand elle s’approcha de l’estrade, vers laquelle elle s’avançait timidement au milieu de la foule qui se pressait pour contempler ses traits.

Le bailli, dans une circonstance ordinaire, se serait vivement offensé de cette violation des règles de police. Sa ténacité dans ses opinions était entière, quelque absurdes qu’elles fussent pour la plupart ; et, semblable à une infinité d’honnêtes gens qui poussent leurs principes à l’extrême et manquent ainsi l’effet qu’ils voudraient produire, il était un peu enclin à déployer une sévérité minutieuse ; mais, dans ce moment, il était plutôt satisfait de voir ses auditeurs à portée de sa voix. L’occasion était excellente, même semi-officielle, et il ressentait assez les influences d’un vin généreux, pour brûler du désir de déployer avec plus de