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moitié ; et comme le grand canton gardera ses droits particuliers de pouvoir, si vous détruisez l’autre, Vaud sera entièrement dépouillé. Je vous le demande à vous-mêmes, avez-vous un autre gouvernement que celui-là ? Vous savez bien que non. Ainsi, en vous séparant de Berne, il est clair que vous perdez tout. Officier, vous portez une épée qui est un vrai symbole de votre autorité ; tirez-la, élevez-la, que tous puissent l’apercevoir. Vous voyez, mes amis, que l’officier a une épée, mais qu’il n’en a qu’une. À présent, officier, posez-la à vos pieds. Vous le voyez, mes amis, n’ayant qu’une épée et l’ayant déposée, il n’en a plus ! Cette arme représente notre puissance ; si on la repousse, il n’y a plus d’autorité, nos mains restent désarmées.

Cette heureuse comparaison excita un murmure approbateur. L’allocution de Peterchen ayant plusieurs des caractères d’une théorie populaire, assertions hardies, courte exposition, et une péroraison mise en action, on parla longtemps de cette dernière partie dans le canton de Vaud, comme d’un trait fort peu inférieur au jugement bien connu de Salomon qui avait eu recours à cette même arme, à pointe affilée, pour résoudre une question presque aussi difficile que celle posée par le bailli. Quand les applaudissements furent un peu calmés, le zélé Peterchen continua son discours, ou brillait cette fragile et commune logique qu’on retrouve dans la plupart des dissertations soutenues dans l’intérêt de ce qui existe sans s’occuper le moins du monde de ce qui devrait être.

— À quoi sert d’apprendre au peuple à lire et à écrire ? demanda-t-il. Si Franz Kauffman n’avait pas su écrire, aurait-il contrefait la signature de son maître ? aurait-il perdu la tête pour avoir mis le nom d’un autre au lieu du sien ? Un peu de réflexion vous prouvera qu’il ne l’aurait pas fait. Le peuple pourrait-il lire de mauvais livres, s’il n’avait pas étudié l’alphabet ? S’il y a quelqu’un ici qui puisse dire le contraire, je le dégage des liens du respect, et je l’invite à parler librement ; l’inquisition n’existe pas dans le canton de Vaud : nous aimons à entendre discuter. Notre gouvernement est libéral, doux et paternel, vous le savez tous ; mais il n’existe pas une seule puissance dans le monde qui aime la lecture ou l’écriture : la première conduit à la connaissance des mauvais livres, et la dernière est la source des fausses signatures. Citoyens camarades, car nous sommes tous égaux, à l’exception de certaines différences qu’il est inutile de détailler