Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

châtiment des fripons, et surtout de ceux dont l’incorrigible misère et la pauvreté semblaient adresser un continuel reproche au système de Berne, ce même penchant que les vieux cochers conservent, dit-on, pour le claquement d’un fouet.

Toutes ces sympathies légales n’étaient cependant pas entièrement éveillées dans la présente occasion. Les coupables, tout étant bien loin d’appartenir à la classe privilégiée, n’étaient pas tout à fait assez misérables en apparence pour réveiller cette puissance de justice sévère qui sommeillait dans le sein du bailli, toujours prête à prendre l’essor pour venger les droits du plus fort contre les empiètements du malheureux dénué d’appui. Le lecteur a déjà pressenti que c’était Maso et ses compagnons qui après avoir échappé à leurs gardiens, n’avaient pu se soustraire aux actives recherches des archers.

— Qui donc a osé offenser l’autorité dans ce jour d’union et de joie ? demanda sévèrement le bailli, quand les soutiens de la foi et leurs captifs furent devant lui. Ne savez-vous pas, coquins, que nous célébrons ici une cérémonie solennelle et presque religieuse ? c’est du moins ainsi que les anciens la considéraient. — Ignorez-vous donc qu’un crime est double quand il est commis en présence de personnes honorables, ou dans une circonstance grave, respectable comme celle-ci, ou bien encore quand il blesse l’autorité, ce qui est toujours le plus sérieux et le plus grand de tous les crimes ?

— Nous ne sommes que de pauvres étudiants, très-digne bailli, comme vous pouvez aisément vous en apercevoir à notre extérieur, et nous avons besoin d’indulgence, répondit Maso ; notre seule offense a été une vive mais courte querelle pour un chien ; ces mains ont été, il est vrai, un peu trop promptes ; mais nous n’aurions fait de mal qu’à nous-mêmes, si les autorités de la ville avaient bien voulu nous laisser décider la dispute à notre manière. Cette fête est remarquable en effet, et il nous a paru pénible d’en être privés pour une cause si légère, et d’être seuls exclus de la joie générale.

— Il raison après tout, dit Peter à voix basse : qu’importe à Berne un chien de plus ou de moins ? Une réjouissance publique doit, pour atteindre son but, s’insinuer profondément dans le peuple. Mettez ces hommes en liberté, au nom du ciel ! Ayez soin d’expulser tous les chiens de cette place, pour que nous n’entendions plus parler d’une telle folie.