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de salutaires pensées aux sages. Toutes les sciences peuvent recueillir quelque heureuse idée à nos fêtes : politique, religion, législation, — tout s’unit et se confond dans un esprit fin et pénétrant.

— Un érudit ingénieux, trouverait un argument en faveur de Bürgerschaft dans une allégorie moins claire, répondit le Génois tout à fait égayé ; mais vous n’avez pas parlé, signor bailli, de l’instrument que Cérès porte dans son autre main, et d’où s’échappent à plein bord les richesses de la terre ; — il me paraît ressembler beaucoup à une corne de bouvard.

— C’est sûrement quelque ustensile des anciens, peut-être un vase dont se servaient les dieux et les déesses quand ils s’occupaient de leurs laiteries ; car les divinités du temps jadis n’étaient pas de mauvaises ménagères, elles se faisaient un mérite d’une sage économie ; et il semble que la Cérès que nous voyons ne rougit pas non plus d’employer utilement ses loisirs. En vérité tout ceci a été calculé avec des intentions morales très-remarquables. Mais voici nos bergers qui vont faire entendre quelques-uns de leurs airs.

Peterchen suspendit ses instructives leçons, tandis que la suite de Cérès se plaçait dans un ordre convenable et commençait ses chants. L’entraînante et agreste mélodie du ranz des vaches s’éleva dans la place, et bientôt absorba l’attention ravie de ceux qui pouvaient l’entendre, c’est-à-dire de presque tous ceux que renfermait l’enceinte de la ville ; les voix de la foule se mêlèrent à celles des acteurs, et une espèce d’enthousiasme musical saisit les assistants venus de Vaud et des vallées environnantes. Le pédant mais bien intentionné bailli, oubliant un moment l’orgueil qu’il attachait d’ordinaire à son origine bernoise, et qui le rendait très-attentif à maintenir le système de supériorité du grand canton, par toute la réserve et la dignité convenables, céda à l’impulsion générale, et fit chorus à l’aide d’une poitrine qui semblait destinée par la nature à soutenir admirablement un chœur de montagnards. Cette condescendance du député de Berne fut souvent depuis rappelée avec admiration ; les esprits simples et crédules attribuaient l’exaltation de Peterchen à un zèle généreux pour leur bonheur et leurs intérêts ; mais les plus clairvoyants étaient portés à imputer ce transport lyrique à un précédent excès, d’un autre genre, rejetant ainsi la plus grande portion de leur reconnaissance sur les vignobles des côtes voisines.