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siques. Il ne serait pas aisé de trouver quelqu’un qui eût rempli plus de messages de ce genre et avec plus de fidélité ; si vous aviez quelques petites offrandes à me faire, vous pourriez parcourir des papiers qui prouvent ce que j’avance, des papiers qui serviraient de passeport à saint Pierre lui-même !

L’officier s’aperçut qu’il avait affaire à un vrai tartuffe, — si un tel nom peut s’appliquer à celui qui juge à peine nécessaire de tromper, — un homme qui faisait un trafic de ce genre d’exploitation ; pratique assez commune à la fin du dix-septième siècle et au commencement du dix-huitième, et qui n’a même pas disparu entièrement de l’Europe : il rejeta avec une aversion visible les papiers de ce misérable, qui, les reprenant, alla se placer, sans en avoir été sollicité, près du trio choisi pour accorder ou refuser la permission de s’embarquer.

— Va, s’écria l’officier comme s’il ne pouvait plus contenir le dégoût qu’il éprouvait, tu as raison de dire que nous sommes les serviteurs de Calvin ; Genève n’a rien de commun avec la ville au manteau d’écarlate, et tu feras bien de te le rappeler à ton prochain pèlerinage, si tu ne veux pas que les sergents fassent connaissance avec tes épaules. — Arrêtez ! Qui êtes-vous ?

— Un hérétique damné d’avance et sans espoir, si la foi de ce marchand de prières est la véritable, répondit un homme qui s’éloignait déjà avec la confiance d’atteindre le but sans être exposé aux questions ordinaires.

C’était le maître de Neptune. Sa tournure de marin, son calme parfait, firent craindre à l’officier d’avoir arrêté un batelier du lac, classe privilégiée qui sortait et rentrait librement.

— Vous connaissez nos usages, dit le Génevois à demi satisfait. J’ai été bien fou mais l’âne qui foule toujours le même sentier revient aussi, avec le temps, raconter ses tours et ses détours. N’est-ce pas assez de l’avoir emporté sur l’orgueil du digne Nicklaus Wagner ? N’êtes-vous pas content d’avoir forcé ce bon citoyen à faire ses preuves, et voulez-vous encore m’interroger ? Viens ici, Neptune ; tu répondras pour nous deux, car tu es un chien prudent, tu sais que nous n’habitons pas entre le ciel et la terre : notre patrie, à nous c’est la terre et l’eau.

En prononçant ces mots d’un ton ferme et élevé, l’Italien semblait plutôt s’adresser aux dispositions de ceux qui l’entouraient qu’à l’intelligence du Génevois : son appel fut entendu, de