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nature de ces jeux, pendant laquelle le signor Grimaldi montra un malin plaisir à exposer aux yeux de tous la confusion qui régnait dans la tête du dogmatique Peter, touchant l’histoire sacrée ou profane. Adelheid elle-même se vit forcée de rire au commencement de ce curieux examen ; mais ses pensées ne furent pas longtemps éloignées d’un autre objet qui lui inspirait un plus tendre intérêt. Sigismond marchait près d’elle d’un air pensif, et elle profita de l’attention que ses amis donnaient à la conversation du bailli, pour renouveler l’entretien qu’elle avait eu avec Sigismond pendant le spectacle.

— J’espère que votre belle et modeste sœur n’aura jamais lieu de se repentir de son choix, dit-elle en ralentissant le pas, et se trouvant ainsi à quelque distance du reste de la société. Une jeune fille doit faire une terrible violence à ses sentiments pour se laisser traîner en public dans la circonstance la plus solennelle de sa vie, celle où elle prononce un serment inviolable !

— Pauvre Christine ! son sort depuis son enfance est digne de pitié. On ne pourrait trouver une femme plus douce, plus timide, plus sensible qu’elle et cependant, de quelque côté qu’elle tourne ses regards, elle ne rencontre que des préjugés et des opinions qui lui sont contraires ; il y a de quoi la rendre folle. Il est peut-être malheureux de manquer d’instruction, Adelheid, et d’être destiné à passer sa vie dans les ténèbres de l’ignorance, soumis à l’empire des passions brutales ; mais est-ce un bien d’avoir l’esprit élevé au-dessus de la tâche qu’un monde égoïste et cruel nous impose si fréquemment ?

— Vous me parliez de votre excellente sœur ?

— Vous la jugez bien : Christine est douce, modeste ; plus encore, elle est soumise ; mais que peut la soumission elle-même contre de telles calamités ? Désirant éviter des humiliations à sa famille, mon père fit élever ma sœur ainsi que moi hors de la maison paternelle ; elle fut confiée secrètement à des étrangers, et elle resta longtemps, trop longtemps peut-être dans l’ignorance du sang auquel elle appartient. Lorsque la fierté maternelle conduisit ma mère à rechercher la société de sa fille, l’esprit de Christine était en quelque sorte formé, et elle eut l’humiliation d’apprendre qu’elle appartenait à une famille proscrite. Son caractère facile se réconcilia bientôt cependant avec la vérité, du moins autant que l’observation de ses parents pouvait le pénétrer ; et, depuis le moment de la première agonie, personne ne