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honnête Peterchen, — tel était le nom familier sous lequel le digne bailli était le plus connu de ses amis. — Que la langue réponde librement au cœur, et amusons-nous comme nous l’avons fait une fois ensemble, longtemps avant qu’on te jugeât digne des fonctions que tu remplis.

— Le signor Grimaldi sera juge entre nous : je maintiens que ceux qui remplissent de hautes fonctions doivent savoir se contraindre.

— Je déciderai lorsque les acteurs auront terminé leur rôle, répondit le Génois en souriant. Voici un personnage à qui tous les vieux soldats rendent hommage ; nous ne pouvons manquer de respect en sa présence, et discuter sur une petite différence de goût.

Peter Hofmeister n’était pas un médiocre buveur et, comme l’arrivée du dieu de la treille était annoncée par une vingtaine d’instruments faisant un vacarme qui n’était tolérable que sous la voûte des cieux, il fut obligé de réserver ses opinions pour un autre moment. Après les musiciens et une troupe de serviteurs de l’abbaye, car on rendait de grands honneurs à la divinité rubiconde, parurent trois prêtres, dont l’un traînait une chèvre aux cornes dorées, tandis que les deux autres portaient le couteau et la hache. Ils étaient suivis de l’autel orné de vignes, de ceux qui portaient l’encens, et du grand-prêtre de Bacchus, qui ouvrait le chemin au jeune dieu lui-même. Bacchus était assis sur un tonneau, la tête couronnée de grappes de raisin, tenant une coupe d’une main et un thyrse de l’autre. Quatre Nubiens le portaient sur leurs épaules, tandis que d’autres élevaient un dais au-dessus de sa tête ; des faunes, revêtus de peaux de tigre, dansaient autour de lui, et vingt bacchantes légères et riantes agitaient en mesure leurs instruments derrière la divinité.

Un rire général accueillit le vieux Silène monté sur un âne et soutenu par deux noirs. L’outre à demi pleine qui était à ses côtés, le rire hagard, le regard dissolu, la langue pendante, les lèvres gonflées et la contenance idiote du personnage, donnaient à penser que le soutien qu’on lui accordait était ce qu’il y avait de plus vrai dans ce spectacle. Deux jeunes gens s’avançaient ensuite, portant un bâton chargé de ceps dont les raisins descendaient presque jusqu’à terre, ce qui représentait le fruit apporté de Canaan par les messagers de Josué. Une énorme