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du bruit des échos ; ce sont des notes élevées mais fausses, telles que les sons que les rocs renvoient aux vallées quand la voix s’élève au-dessus de sa clef naturelle, afin d’atteindre les cavernes et les sauvages retraites de précipices inaccessibles. Des sons semblables rappellent promptement à l’esprit les vallons, les montagnes la magnificence parmi laquelle ils furent primitivement entendus ; et puis, par une irrésistible impulsion, le cœur met au rang de ses plus fortes sympathies celles qui sont mêlées aux souvenirs délicieux de notre enfance.

Les gardeurs de troupeaux et les laitières n’eurent pas plus tôt prononcé les premières notes de leur chanson magique, qu’un calme profond régna dans l’assemblée ; puis, à mesure que les paroles du chœur se firent entendre, les spectateurs les répétèrent comme des échos et, avant que les sauvages intonations qui accompagnent le mot Liauba ! Liauba ! pussent être répétées, mille voix s’élevèrent simultanément comme si elles eussent voulu envoyer aux montagnes environnantes les salutations de leurs enfants. Dès cet instant le ranz des vaches fut comme un de ces élans d’enthousiasme, qui forment un des plus forts anneaux de la chaîne sociale, et qui sont capables de rappeler au cœur de celui qui fut endurci par le vice et par le crime un des plus purs sentiments de la nature.

Les derniers sons moururent au milieu des applaudissements ; les gardeurs de troupeaux et les laitières réunirent leurs différents instruments, et reprirent leur marche au son mélancolique des clochettes, qui formaient un profond contraste avec le bruit des chants qui avaient rempli l’air.

À ces derniers succédèrent les adorateurs de Cérès, avec l’autel et les prêtresses ; la déesse était sur un trône, comme nous l’avons déjà décrit pour Flore. Des cornes d’abondance ornaient le siége de la divinité et le dais était couvert des dons de l’automne. Le tout était surmonté d’une gerbe de blé. La déesse avait pour sceptre une faucille ; et une tiare, composée d’épis ornait son front. Les moissonneurs la suivaient portant les emblèmes de la saison de l’abondance, et des glaneurs fermaient la marche. Ils chantèrent les louanges de la bienfaisante déesse de l’automne, et dansèrent en rond comme les adorateurs de la divinité des fleurs. Les batteurs agitèrent leurs fléaux, et toute la bande disparut.

Après cette troupe, on vit arriver le grand étendard de l’ab-