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d’appeler principe conservateur. Pendant cet examen, les jeux continuaient.

Aussitôt que les jardiniers eurent disparu, une troupe plus imposante occupa leur place. Quatre femmes marchaient en tête, portant un autel antique décoré de devises ; elles avaient un costume emblématique et des guirlandes de fleurs sur la tête. Des jeunes gens, portant de l’encens, précédaient cet autel, qui était dédié à Flore, et la prêtresse venait ensuite, coiffée d’une mitre, et portant des fleurs. Comme toutes les autres prêtresses qui la suivaient, elle était revêtue d’un costume qui indiquait ses devoirs sacrés. La déesse était portée par quatre femmes sur un trône recouvert de fleurs, dont les festons, variés de mille couleurs, descendaient jusqu’à terre. Des faucheurs des deux sexes, aux habits gais et champêtres, succédaient une charrette, ployant sous une masse de plantes parfumées des Alpes, et accompagnée de femmes portant des râteaux, fermait la marche. L’autel et le trône étant disposés dans l’arène, la prêtresse offrit le sacrifice, et chanta avec la vigueur d’une voix des montagnes, un hymne en l’honneur de la déesse. Les faucheurs dansèrent en rond comme les jardiniers, et cette troupe brillante disparut.

— Parfaitement, beaucoup mieux que cela ne pouvait être du temps des païens ! s’écria le bailli, qui, en dépit de ses devoirs municipaux, commençait à s’amuser de ce spectacle. Ces jeux l’emportent de beaucoup sur vos carnavals de Gênes et de Lombardie, dans lesquels, pour dire la vérité, on représente fort bien de vieilles déités païennes.

— Ces admirables plaisanteries ont-elles souvent lieu dans le pays de Vaud ? demanda le baron.

— De temps en temps, lorsque l’abbaye le désire. L’honorable signor Grimaldi, qui me pardonnera s’il n’est pas mieux reçu, ce qu’il attribuera je l’espère, non à une inexcusable négligence, mais au désir qu’il éprouve de n’être pas connu ; le signor Grimaldi, s’il daigne nous faire connaître son opinion, nous dira que le peuple n’en vaut pas moins lorsqu’il trouve l’occasion de rire. Nous en avons un exemple dans Genève, ville adonnée à des subtilités aussi ingénieuses et aussi compliquées que les rouages de ses montres. Il n’y a jamais de fêtes sans qu’il s’élève des discussions et des raisonnements, deux ingrédients aussi funestes dans les réjouissances publiques qu’un schisme dans une religion, ou