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musique mêlée de ces cris montagnards qui caractérisent les chansons des habitants des Alpes. Les autorités de la ville étaient sur pied depuis le matin ; et, comme il arrive ordinairement parmi les agents subalternes, ces derniers exerçaient leurs fonctions municipales avec un embarras qui prouvait combien ils attachaient d’importance à leur charge, et avec une gravité digne d’un chef d’État dans une occasion solennelle.

L’estrade ou théâtre érigé pour la classe supérieure des spectateurs était décoré de drapeaux, et, vers le milieu, de tapisseries et de tentures de soie. Un édifice plus considérable que les autres, et situé au fond de la place, était riche aussi d’ornements ; les enseignes de la république flottaient au-dessus de son toit pointu ; des soieries précieuses se balançaient le long de ses murailles, et ses fenêtres, suivant un usage commun à la Suisse et à l’Allemagne, étaient décorées de bandes d’étoffes de diverses couleurs, qui dénotaient une propriété publique. C’était la résidence officielle de Peter Hofmeister, le fonctionnaire que nous avons déjà fait connaître au lecteur.

Une heure plus tard, un coup de canon donna le signal aux différentes troupes d’acteurs qui se montrèrent bientôt dans la place. À mesure que ces petites processions paraissaient aux sons du cor et de la trompette, la curiosité devenait plus active, et on permit à la populace de circuler dans ces parties de la place qui n’étaient pas occupées. À peu près vers ce temps on laissa monter un individu sur les gradins ; il paraissait jouir d’un privilége particulier non seulement par la place qu’on lui accordait, mais par les saluts et les félicitations bruyantes dont il était l’objet : c’était le bon moine du Mont-Saint-Bernard qui, d’un visage joyeux, répondit par des signes de sa tête chauve aux salutations des paysans, la plupart desquels avaient donné l’hospitalité au bon moine dans ses nombreux voyages chez les âmes charitables, et l’avaient reçue de lui dans leurs fréquents passages à travers les montagnes. Cette reconnaissance faisait honneur à l’humanité, car elle était remplie de cordialité et d’un désir sincère d’honorer la bienfaisance d’une communauté religieuse dans la personne de son intendant.

— Je te souhaite bien du bonheur, père Xavier, et une récolte abondante, s’écria un bon paysan. Tu as depuis longtemps oublié Benoît Emery et sa famille. Quand un quêteur de Saint-Bernard a-t-il frappé à ma porte et s’en est-il retiré les mains vides ? Nous