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honorés suivant leur mérite, toutes les institutions humaines sont établies pour prouver le contraire. Celui-ci est loué, parce que ses ancêtres étaient nobles ; celui-ci condamné, parce que sa naissance est vile. Melchior ! Melchior ! notre raison est obscurcie par des subtilités, et notre philosophie tant vantée n’est qu’une moquerie effrontée dont les démons rient à nos dépens.

— Et cependant les commandements de Dieu nous apprennent, Gaëtano, que les fautes des pères retomberont sur leurs enfants jusqu’aux dernières générations. Vous autres catholiques, vous ne faites peut-être pas autant d’attention aux saintes Écritures ; mais j’ai entendu dire que nous n’avons pas à Berne une seule loi qui ne soit garantie par l’Évangile lui-même.

— Il y a des sophistes qui prouvent tout ce qu’ils désirent. Il est certain que les crimes et les folies des pères laissent une tache physique ou morale sur leurs enfants. Mais cela n’est pas suffisant. N’est-il pas impie de prétendre que Dieu n’a pas suffisamment puni le mépris de ses ordonnances, et de venir seconder sa colère par des règlements arbitraires et cruels ? Quel crime peut-on imputer à la famille de ce jeune homme, excepté celui de la pauvreté qui conduisit probablement le premier de sa race à remplir cette charge révoltante ? Il n’y a rien dans la personne ou dans les avantages de Sigismond qui indique la colère du ciel ; mais tout, dans sa situation présente, proclame l’injustice des hommes.

— Et toi, Gaëtano Grimaldi, l’allié de tant d’illustres et anciennes maisons, toi, Gaëtano Grimaldi, un des plus grands seigneurs de Gênes, tu me conseillerais de donner ma fille unique, l’héritière de ma fortune, au fils de l’exécuteur des hautes-œuvres, à l’héritier de devoirs qui révoltent la nature !

— Puisque tu m’adresses une question aussi directe, Melchior, je demande à réfléchir avant de te répondre. Oh ! pourquoi ce Balthazar est-il si riche en enfants, et moi si pauvre ! Mais ne discutons pas davantage sur ce sujet ; c’est une affaire d’une grande importance, et que nous devons juger aussi bien comme hommes que comme nobles. Ma fille vous venez d’apprendre, par les paroles de votre père, que je suis contre vous par ma position sociale ; car, tandis que je condamne les principes qui vouent Sigismond au mépris, je ne puis m’aveugler sur les effets d’une trop grande indulgence, et jamais il ne s’est encore présenté, devant le tribunal de la conscience, une affaire où les droits