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esprit s’occupait de ce sujet pénible, prouva qu’il n’était pas en état de répondre.

— Vous voyez dans tous ces événements, continua le Génois après quelques minutes, comme s’il était trop plein de son sujet pour retenir ses paroles, les desseins impénétrables de la Providence. Voilà un jeune homme qui possède tous les avantages qu’un père pourrait désirer pour son fils : digne en tout point de devenir dépositaire du bonheur d’une fille chérie : brave, vertueux, noble dans tout, excepté dans son origine ; et cependant si maudit par l’opinion du monde, que nous pourrions à peine le recevoir comme compagnon de nos plaisirs, si l’on connaissait publiquement le nom qu’il porte.

— Vous envisagez cette affaire sous un étrange point de vue signor Grimaldi, dit Adelheid en frissonnant.

— Un jeune homme d’une taille si majestueuse, qu’un roi pourrait être fier de l’espérance de placer un jour sa couronne sur sa tête ; d’une force et d’une adresse remarquables comme sa taille ; d’une raison plus mûre que son âge ; d’une vertu éprouvée ; possédant toutes les qualités que les hommes respectent, celles qui viennent de l’étude et non du hasard : et cependant ce jeune homme est condamné à vivre sous le poids du mépris et de la haine, ou à cacher pour jamais le nom de la mère qui l’a porté dans son sein. Comparez Sigismond avec l’héritier de quelque maison illustre qui se joue du respect des hommes tandis qu’il insulte à leur morale ; qui s’appuie sur ses priviléges pour fouler aux pieds ce qui est juste et sacré ; qui vit pour lui-même, dans de basses jouissances ; qui est souvent digne d’être enfermé dans une maison de fous, tandis que par sa naissance il est destiné à siéger dans les conseils ; qui est le type du mauvais, quoique appelé à présider sur les plus vertueux ; qui ne peut être estimé, bien que ses titres lui donnent droit aux honneurs. Demandons-nous maintenant pourquoi il en est ainsi, quelle est la sagesse qui a posé des différences si arbitraires, et qui, tandis qu’elle proclame si ouvertement la nécessité de la justice, se joue si imprudemment de ses devoirs ?

— Signore, cela ne devrait pas être ainsi ; Dieu n’a pas établi toutes ces nuances.

— Tandis que les principes de notre raison semblent nous apprendre que chacun doit s’élever ou retomber suivant ses bonnes ou ses mauvaises actions, que les hommes doivent être