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mes bons parents a réussi. Ma sœur et moi nous ignorâmes pendant longtemps notre origine maudite ; tandis que mon pauvre frère, qui promettait peu, fut destiné, par une partialité que je n’examinerai pas, à jouir de notre infernal privilège. — Pardonnez, Adelheid ; je vais essayer d’être plus calme. Mais la mort a sauvé ce jeune homme de ses exécrables devoirs, et je suis maintenant le seul enfant mâle de Balthazar ; oui, ajouta Sigismond en riant d’une manière effrayante, j’ai, moi aussi, le monopole de tous les honneurs de notre maison !

— Vous ! — vous, Sigismond ! — Avec vos habitudes, votre éducation, vos sentiments ! il est impossible qu’on vous force à remplir les devoirs de cette horrible charge !

— Il est facile de voir que mes priviléges ne vous plaisent pas, mademoiselle de Willading ; je ne puis m’en étonner. Ce qui me surprend le plus, c’est que vous ayez si longtemps toléré le fils d’un bourreau en votre présence.

— Si je ne comprenais pas l’amertume qui est si naturelle dans votre position, Sigismond, votre langage me blesserait cruellement ; mais vous ne voulez pas dire que vous courez réellement le danger de remplacer un jour votre père. S’il y avait quelque chance d’une semblable calamité, l’influence de mon père ne pourrait-elle pas l’écarter ? Il n’est pas sans pouvoir dans les conseils du canton.

— Maintenant son amitié n’a rien à faire ; car jusqu’ici mon père, ma mère, ma sœur et vous, sont les seuls dépositaires des faits que je viens de vous confier. Ma pauvre sœur est malheureuse, car l’ignorance dans laquelle elle a été élevée lui rend la vérité bien plus affreuse que si elle y eût été habituée dès son enfance. Aux yeux du monde un jeune parent de mon père paraît destiné à lui succéder, à moins que la fortune en ordonne autrement. Relativement à ma sœur, nous avons l’espérance de l’arracher à la honte de sa famille. Elle est sur le point de contracter un mariage ici, à Vevey, qui cachera son origine sous de nouveaux liens. Quant à moi, le temps décidera de mon sort.

— Comment la vérité pourrait-elle être connue ? s’écria Adelheid, qui respirait à peine, dans son ardeur de proposer quelque expédient qui libérât Sigismond de son odieux héritage. Vous m’avez dit qu’il y avait de la fortune dans votre famille ; abandonnez tout à ce jeune homme, à la condition qu’il remplira les fonctions de votre père.