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partie de sa grandeur, par l’habitude de vivre avec lui, est moins noble que celui qui a reçu ce nom à travers cent canaux vulgaires, et qui souvent, si la vérité était connue, n’a aucun droit naturel sur ce sang tant vanté ! C’est ainsi que l’esprit est conduit aux préjugés, et que l’homme oublie sa destinée et son origine, en voulant être plus que la nature ne lui a permis.

— Certainement, Sigismond, il y a quelque chose de louable dans le sentiment qui nous porte à désirer d’appartenir à ce qui est bon et noble.

— Si la bonté et la noblesse sont la même chose, vous vous êtes bien servie du mot propre ; tant que la noblesse sera un sentiment, c’est non seulement chose excusable, mais sage : car qui ne désirerait appartenir à ce qui est brave, honnête, savant, enfin à ceux qui possèdent les talents ou les avantages qui rendent célèbre ? C’est un sentiment sage, puisque l’héritage des vertus paternelles est peut-être le plus puissant aiguillon pour lutter contre le courant des bassesses humaines. Mais quelle espérance peut m’être laissée, à moi, qui ne peux hériter, ni transmettre que la honte ! Je n’affecte pas de mépriser les avantages de la naissance simplement parce que je ne les possède pas, je me plains seulement que des combinaisons artificieuses aient converti un sentiment et un goût en préjugés vulgaires, par lesquels des gens ignobles jouissent de privilèges plus grands que ceux qui seraient dignes des honneurs les plus hauts que l’homme puisse accorder.

Adelheid avait encouragé une discussion qui n’aurait servi qu’à blesser la fierté d’un homme qui n’aurait pas été doué d’un sens aussi droit que Sigismond ; mais elle s’apercevait qu’il adoucissait l’amertume de ses pensées en s’appuyant ainsi sur sa raison, et en opposant ce qui devrait être à ce qui était réellement.

— Vous savez, répondit-elle, que mon père et moi, nous n’avons jamais été disposés à donner beaucoup de prix aux opinions du monde en ce qui vous concerne.

— Cela veut dire que vous n’insisterez pas sur ma noblesse : mais consentirez-vous l’un et l’autre à une union avec l’héritier d’un bourreau ?

— Vous ne m’avez pas encore dit tout ce qui pourrait être nécessaire pour obtenir le consentement de mon père.

— Il me reste peu de choses à vous apprendre. Le projet de