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blanc terne. La nature avait donné à son rival une robe sombre, brune et velue, dont la teinte générale était relevée par quelques taches d’un noir foncé. Leurs forces et leurs poids semblaient presque égaux, cependant la balance aurait peut-être incliné légèrement en faveur du premier, qui l’emportait évidemment, sinon par la vigueur de ses membres, au moins par leur longueur.

Ce serait dépasser la tâche que nous nous sommes imposée, que de rechercher à quel point l’instinct de ces animaux sympathisait avec les passions farouches des humains qui les entouraient, ou si, persuadés que leurs maîtres soutenaient chacun un avis contraire dans cette querelle, ils crurent devoir, comme de fidèles écuyers, livrer un combat en l’honneur de ceux qu’ils suivaient. Après s’être mesurés des yeux pendant quelques instants, ils s’élancèrent avec fureur l’un contre l’autre, et se saisirent corps à corps selon la coutume de leur espèce. Le choc fut terrible, et la lutte entre deux combattants d’une taille et d’une force si prodigieuses fut des plus violentes ; leurs rugissements, qui ressemblaient à celui des lions, couvrirent le bruit des voix : bientôt il se fit un profond silence, tous les yeux se retournèrent vers le lieu du combat. La jeune femme, effrayée, recula en détournant la tête, tandis que son voisin s’élançait vivement pour la protéger, car elle n’était qu’à quelques pas du champ de bataille ; mais, malgré sa force et son courage, il hésitait à intervenir dans cette lutte acharnée. À ce moment critique, et lorsqu’il semblait que ces animaux furieux allaient se déchirer mutuellement, deux hommes, s’ouvrant avec peine un passage, s’élancèrent hors du groupe : l’un portait la robe noire, la coiffure ample et élevée d’un habitant de l’Asie, et le blanc ceinturon d’un moine augustin ; les vêtements de l’autre semblaient annoncer un marin, sans cependant mettre la chose hors de doute. Le premier avait une figure ovale et régulière, son teint était coloré, ses traits portaient l’empreinte d’une paix intérieure et d’une douce bienveillance ; le dernier avait la peau basanée, l’air fier et l’œil brillant d’un Italien.

— Uberto ! dit le moine d’un ton de reproche, et affectant cette espèce de mécontentement qu’on pourrait montrer à une créature plus intelligente, mais ne paraissant pas se soucier d’approcher davantage, honte sur toi, mon vieil Uberto ! As-tu donc oublié les leçons que tu as reçues ? Es-tu sans respect pour ta propre renommée ?