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pour le trône du puissant prince que je sers. Je vous ai déjà avoué mon amour, c’est en vain que je voudrais m’en dédire. Vous savez combien je vous aime ; et, en dépit de moi-même, mon cœur chérit sa faiblesse. J’éprouve plutôt du bonheur que de la crainte à dire qu’il la chérira jusqu’à ce qu’il cesse de battre. En voilà plus que je n’avais l’intention d’en faire entendre à vos modestes oreilles, qui ne devraient pas être blessées par des déclarations aussi inutiles ; mais — vous souriez, Adetheid — quoi ! votre esprit si noble pourrait-il se moquer d’une passion sans espérance !

— Pourquoi mon sourire exprimerait-il de la moquerie ?

— Adelheid ! Non, cela ne peut être ; un homme comme moi, d’une origine inconnue, ignoble, ne devrait pas même exprimer son amour à une femme de votre rang !

— Sigismond, vous le pouvez. Vous n’avez pas bien connu jusqu’ici le cœur d’Adelheid de Willading, ni la reconnaissance de son père.

Le jeune homme regarda fixement le visage d’Adelheid. La jeune vierge, qui venait de confier les plus secrètes pensées de son âme, sentait ses joues et son front se couvrir de rougeur, plutôt cependant d’agitation que de honte, car ses yeux remplis de candeur et d’affection s’arrêtèrent avec confiance sur les yeux passionnés de Sigismond. Elle croyait, et elle avait toutes les raisons possibles pour croire que ses paroles feraient du bien, et avec la jalouse surveillance d’un véritable amour, elle ne voulait pas qu’une seule expression de bonheur lui échappât. Mais, au lieu de ce regard brillant et de cette exclamation de joie à laquelle elle s’attendait, le jeune soldat parut accablé des sentiments les plus pénibles. Sa respiration était difficile, ses yeux hagards, ses lèvres agitées de convulsions ; il passa la main sur son front, comme un homme qui éprouve une vive souffrance ; une sueur froide inonda son visage et coula en larges gouttes à travers ses doigts.

— Adelheid ! chère Adelheid ! tu ne comprends pas toute l’importance de ce que tu dis ! Un homme comme moi ne peut jamais devenir ton mari.

— Sigismond ! Pourquoi ce désespoir ? Réponds-moi ; — soulage ton cœur par des paroles : je te jure que le consentement de mon père est accompagné de celui de mon cœur. Je t’aime, Sigismond ! — veux-tu que je sois ta femme ? — Que puis-je te dire de plus ?