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possédaient alors, contribuaient au respect qu’on éprouvait près d’elle, et servaient de contre-poids aux attractions de sa candeur et de sa gentillesse. Enfin, une personne qui aurait été amenée inopinément dans sa société aurait promptement découvert qu’Adelheid de Willading était une jeune fille dont les affections étaient sincères et tendres, l’imagination riante, mais bien réglée, dont le caractère avait autant de noblesse que de fermeté ; qu’elle était d’une piété douce, et capable de se conduire avec une prudence parfaite dans toutes les circonstances difficiles qui entourent souvent une jeune fille privée de sa mère.

Il y avait alors plus d’un an qu’Adelheid s’était convaincue de la force de son attachement pour Sigismond Steinbach. Pendant tout ce temps elle avait essayé de combattre un sentiment qui, dans son opinion, ne pouvait amener aucun résultat heureux. La déclaration du jeune homme lui-même, déclaration qui avait été faite involontairement dans un moment de passion violente, fut accompagnée de l’aveu de son inutilité, de sa folie, et ouvrit les yeux d’Adelheid sur l’état de son propre cœur. Quoiqu’elle eût écouté cette déclaration comme toute jeune fille écoute les serments passionnées de celui qu’elle aime, ce fut avec une fermeté bien rare dans une semblable occasion qu’elle retint son propre secret prêt à lui échapper, et qu’elle prit la résolution de faire ce que son devoir envers son père, envers elle, envers Sigismond lui-même, lui ordonnait d’accomplir. Depuis ce moment elle cessa de le voir, excepté dans les circonstances qui eussent dévoilé ses motifs de refus ; et, bien qu’elle ne parût jamais oublier les obligations qu’elle avait contractées envers ce jeune homme, elle se refusait jusqu’au plaisir de prononcer son nom, lorsqu’elle pouvait l’éviter. Mais de toutes les tâches ingrates et répugnantes, celle d’essayer d’oublier est la plus difficile à remplir. Adelheid n’était soutenue que par une profonde connaissance de ses devoirs, et le désir de ne point tromper les espérances de son père, car l’habitude et les usages donnaient alors à la volonté paternelle la force de la loi parmi les filles de son rang ; mais son affection et même son jugement plaidaient fortement en faveur de celui qui lui avait sauvé la vie. En effet, à l’exception de l’inégalité de rang, on ne pouvait qu’approuver son choix, s’il est permis d’appeler choix ce qui était plutôt le résultat d’un sentiment spontané et d’une secrète sympathie que de toute autre cause. Il existait cependant une réserve équivoque et un malaise visible dans les manières