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au-delà des bornes naturelles, et essentiellement corrompues.

— Tout cela peut être vrai mais Adelheid aime le jeune homme.

— Ah ! cela change tout à fait l’affaire. Comment le sais-tu ?

— Des lèvres de ma fille elle-même. Son secret lui échappa dans l’accès de sensibilité que les derniers événements devaient naturellement exciter.

— Et Sigismond ? il a ton approbation ? Car je suppose qu’une fille comme la tienne n’a point cédé à une affection qui n’était point partagée.

— Il a mon consentement, — c’est-à-dire, — il existe un obstacle selon le monde, mais qui ne peut pas en être un pour moi : ce jeune homme n’est pas noble.

— Cet obstacle est sérieux, mon brave ami. Il n’est pas sage de trop dédaigner les infirmités humaines ; les préjugés sont une plaie qu’on ne peut guérir. Ceux qui s’y soumettent s’épargnent quelquefois bien des souffrances. Le mariage est une condition précaire dans laquelle il faut éviter tout motif de dégoût. Je voudrais qu’il fût noble !

— Ce désir peut être réalisé par la faveur de l’empereur. Tu as même des princes en Italie qui pourraient nous rendre ce service, au besoin.

— Quelle est l’origine et l’histoire de ce jeune homme ? et par quel hasard une fille du rang d’Adelheid a-t-elle pu aimer un homme d’une condition inférieure ?

— Sigismond est Suisse ; je crois qu’il appartient à une famille de bourgeois de Berne, quoique, pour t’avouer la vérité, je sache seulement qu’il a passé plusieurs années au service étranger, et qu’il a sauvé la vie de ma fille dans nos montagnes, il y a environ deux ans, comme hier il a sauvé la nôtre. C’est près du château de ma sœur que cette inclination commença, et il est maintenant trop tard pour la défendre. Par un sentiment d’honneur que je crois juste, je commence à me réjouir que ce jeune homme ne soit pas noble, afin que la récompense que je lui accorde soit plus grande. S’il avait été l’égal d’Adelheid par sa naissance et son rang, comme il l’est par ses avantages personnels et son caractère, il aurait eu trop de choses en sa faveur. Non, par la foi de Calvin ! celui que tu appelles un hérétique, je crois que je me réjouis de ce que ce jeune homme ne soit pas noble !

— Comme tu voudras, répondit le Génois, qui conservait un