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plus tendre, et, si je ne me trompe, d’un caractère plus ferme. Mais tu ne penserais pas à donner Adelheid en récompense du service que-nous a rendu un inconnu, sans consulter les goûts de ta fille ?

— Les filles du rang d’Adelheid sont toujours prêtes à faire ce qui convient à l’honneur de leur famille. Je crois que la reconnaissance est une dette qu’un Willading ne peut trop se hâter d’acquitter.

Le seigneur génois prit son air grave, et il était évident qu’il n’écoutait pas son ami avec plaisir.

— Nous avons traversé la plus grande partie de notre vie, bon Melchior, dit-il, et nous devrions mieux que personne en connaître les difficultés et les hasards. La route est fatigante, et l’on a besoin de toutes les consolations que l’affection et la sympathie peuvent accorder pour en alléger le fardeau. Je n’ai jamais aimé cette manière de trafiquer des plus doux liens pour relever une famille qui s’éteint, ou une fortune qui s’écroule. Il vaudrait mieux qu’Adelheid passât sa vie dans le célibat de ton vieux château, que de donner sa main sous une impulsion irréfléchie, non moins que par un froid calcul d’intérêt. Une telle femme, mon ami, ne doit pas être donnée sans réflexion.

— Par la messe ! pour me servir d’un de tes serments favoris, je m’étonne de t’entendre parler ainsi, toi, Italien au sang brûlant, que j’ai connu jaloux comme un Turc, et soutenant à la pointe de l’épée que les femmes étaient comme l’acier de ton sabre, aussi facilement ternies par la rouille, le mauvais air ou la négligence ; qu’aucun père ou frère ne pouvait être à son aise sur le point d’honneur que lorsque la dernière femme de son nom était bien mariée, et à des hommes que la sagesse de ses parents aurait choisis ! Je me rappelle t’avoir entendu dire une fois que tu ne pourrais dormir tranquille jusqu’à ce que ta sœur fût femme ou religieuse.

— C’était le langage de la jeunesse, mon ami, et j’en ai été cruellement puni. J’épousai une femme belle et noble ; mais, si ma conduite envers elle gagna son estime et son respect, j’étais venu trop tard, je le crains, pour gagner son amour. C’est une terrible chose que d’entrer dans la carrière solennelle et grave du mariage, et d’avoir aussitôt la conviction qu’on n’y sera point heureux ! Chaque jour apporte de nouveaux mécomptes. Si les espérances d’un cœur ardent et généreux, qui se livre sans