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Adelheid baisa la main qu’elle tenait dans la sienne, et quitta son père d’un air pensif ; elle ne descendit pas la terrasse avec la gaieté qui l’animait une heure auparavant.

Privée de sa mère dès son enfance, cette jeune fille délicate de corps, mais forte d’esprit, s’était habituée depuis longtemps à faire de son père le confident de ses pensées, de ses espérances, de ses projets pour l’avenir. Grâce à ces circonstances particulières, elle eût éprouvé moins d’hésitation qu’une autre à avouer son attachement pour Sigismond, si la crainte que cette déclaration n’eût rendu son père malheureux sans avancer en aucune manière sa propre cause, ne l’eût engagée à garder le silence. Sa liaison avec Sigismond avait été longue et intime. Une estime méritée, un respect profond, étaient la base de ses sentiments, qui étaient néanmoins assez vifs pour avoir chassé les roses de son teint, et pour avoir fait craindre à son père qu’elle ne fût atteinte de la même maladie qui lui avait déjà ravi ses autres enfants. Il n’y avait aucun fondement pour cette crainte bien naturelle chez son père ; car, bien que de tristes réflexions et des inquiétudes eussent altéré sa santé, il n’y avait pas, dans toutes les montagnes de la Suisse, une jeune fille qui réunît plus de fraîcheur à des proportions plus délicates. Elle avait consenti au voyage d’Italie, dans l’espérance que cela pourrait servir à guérir son esprit d’une inclination qu’elle avait souvent regardée comme sans espérance, et par le désir naturel de voir un pays aussi célèbre, mais non parce qu’elle supposait que sa santé en eût besoin.

La présence de Sigismond était purement fortuite, bien qu’Adelheid ne pût s’empêcher de penser (c’était une idée si satisfaisante pour ses affections de femme et sa fierté de jeune fille) que le jeune soldat, qui était au service de l’Autriche, et qu’elle avait connu dans une de ces fréquentes visites dans son pays natal, avait saisi cette occasion favorable de retourner à son régiment. Des circonstances, qu’il n’est pas nécessaire de détailler, avaient mis Adelheid à même de présenter Sigismond à son père, quoique les défenses de sa tante, dont l’imprudence avait causé l’accident qui avait mis les jours d’Adelheid en danger, l’eussent empêchée de raconter au baron les causes de son respect et de son estime pour le caractère du jeune homme. Peut-être que le silence que garda cette jeune fille, dont l’imagination était aussi vive que son cœur était sensible, donna de l’intensité à ses sentiments, et hâta