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raison, que mon existence est vagabonde, et j’en conviens ; mais c’est une erreur de croire que, parce que les hommes quittent la ligne droite que quelques personnes appellent l’honnêteté, ils soient incapables de nobles sentiments. J’ai été utile en vous sauvant la vie, Signore, et il y a plus de plaisir dans cette réflexion que je n’en éprouverais à gagner deux fois autant d’or que vous m’en offrez. — Voilà le signor Capitano, ajouta-t-il, prenant Sigismond par le bras et l’attirant vers lui ; prodiguez sur lui vos faveurs, car aucune habileté de ma part ne vous aurait sauvé sans sa bravoure. Si vous lui donnez tous vos trésors jusqu’à votre perle la plus précieuse, vous ne ferez pas plus qu’il ne mérite.

Maso, en cessant de parler, jeta un regard sur Adelheid, pensive et respirant à peine ; ce regard continuait sa pensée, lorsque sa langue fut silencieuse. La confusion qui couvrit le visage de la jeune fille devint visible, même à la pâle lueur de la lune, et Sigismond se retira comme s’il eût été coupable.

— Ces opinions te font honneur, Maso répondit le Génois, affectant de ne point comprendre la dernière partie de la phrase, et elles excitent le désir d’être ton ami. Je n’en dirai pas davantage aujourd’hui sur ce sujet ; mais tu me retrouveras à Gênes.

L’expression du visage de Maso était inexplicable ; mais il conserva dans ses manières son indifférence habituelle.

— Signor Gaëtano, dit-il, usant de la liberté d’un marin dans ses paroles, il y a des nobles à Gênes qui seront plus à leur place que moi en frappant à la porte de votre palais ; et il y en aussi dans la ville qui feraient beaucoup de commentaires s’ils savaient que vous recevez de semblables hôtes.

— Tu te livres trop fortement à un métier dangereux et condamnable. Je soupçonne que tu es un contrebandier, mais certainement ce n’est pas un commerce assez avantageux, si l’on en juge par tes moyens pécuniaires, pour penser que tu l’as adopté pour toujours. Je puis trouver les moyens de t’en relever en te donnant une place dans les douanes, dont tu t’es si souvent moqué.

Maso se mit à rire de tout son cœur.

— Il en est ainsi, Signore, dans le monde moral où nous vivons. Celui qui veut faire son chemin n’a qu’à se rendre dangereux pour être protégé. Vos attrape-coquins sont des brigands fieffés hors de leur emploi ; votre garde-marée a appris son métier à