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d’investir de la confiance publique des hommes de cette trempe.

Cette opinion parut très-naturelle aux auditeurs, et tous, à l’exception du signor Grimaldi, se joignirent au baron. Le seigneur italien, plus expérimenté dans les détours du cœur humain, ou ayant quelques raisons à lui seul connues, sourit simplement des remarques qu’il entendait, comme s’il eût compris mieux que les autres la différence de l’hommage qu’on paie au rang, et celle qu’une nature généreuse et noble accorde en cédant à ses propres impulsions.

Une heure plus tard, le léger repas du soir était terminé ; Roger de Blonay invita les voyageurs à venir se promener à une faible distance pour jouir du charme de la soirée. En effet, le changement était déjà si grand, qu’il n’était pas facile à l’imagination de transformer la scène riante qu’on voyait des tours de Blonay, en la voûte sombre et le lac courroucé qui offraient naguère un aspect si différent.

Les nuages avaient déjà fui vers les plaines de la Germanie, et la lune avait déjà atteint une si grande hauteur au-dessus de la Dent de Jaman, que ses rayons s’étendaient jusque dans le bassin du lac. Mille étoiles pensives brillaient au firmament, image de la bénigne puissance qui gouverne l’univers, quels que puissent être le dérangement local ou les efforts accidentels des agents inférieurs ; les vagues écumantes s’étaient apaisées aussi vite qu’elles s’étaient courroucées, et à leur place on voyait des myriades de globules transparents briller à la clarté des rayons de la lune, et se jouer avec impunité sur la surface placide du lac ; des bateaux voguaient vers la Savoie ou les villages voisins : toute cette scène faisait voir que la confiance était revenue parmi ceux qui s’exposent habituellement aux caprices des éléments.

— Il y a une forte et terrible ressemblance entre les passions humaines et ces convulsions de la nature, observa le signor Grimaldi, lorsque la société du château eut admiré en silence cette scène pendant quelques minutes ; elles se soulèvent promptement, et sont promptement apaisées. Elles sont également ingouvernables pendant leur accès, et admettent l’influence d’une heureuse réaction pendant leur décroissance. Votre flegme du nord peut rendre cette comparaison moins juste ; cependant elle peut avoir sa portée parmi les tempéraments lymphatiques plutôt que parmi nous autres, au sang plus chaud. Cette montagne